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Wednesday, January 9, 2013

AFRIQUE DE L'OUEST: Définir la piraterie dans le golfe de Guinée



En juillet 2012, le président béninois Thomas Boni Yayi avait envoyé une lettre au secrétaire général des Nations Unies pour lui faire part de ses préoccupations. Son pays était menacé par des pirates qui faisaient fuir les navires dont dépendait son économie. Il demandait le même genre d’opérations que celles menées par la communauté internationale pour lutter contre la piraterie au large de la Somalie.

Sa lettre avait placé la question de la piraterie au large de l’Afrique de l’Ouest à l’ordre du jour de l’agenda international. Les attaques n’ont pas cessé depuis et se concentrent toujours aux abords du Bénin et de son voisin, le Nigeria. Pourtant, malgré des missions des Nations Unies et des débats au Conseil de sécurité, la communauté internationale n’est toujours pas sûre de la meilleure façon de procéder.

Le 6 décembre dernier, l’université de Coventry a organisé une conférence sur la sécurité maritime dans le golfe de Guinée, en collaboration avec le groupe de réflexion londonien Chatham House. Il est clairement ressorti des discussions que ce qui était appelé piraterie dans cette région était bien différent de la piraterie pratiquée au large de l’Afrique de l’Est et qu’un déploiement naval international similaire à celui mené contre les pirates somaliens risquait d’être inutile.

En réalité, selon Chris Trelawny, directeur adjoint de la Division de la sécurité maritime de l’Organisation maritime internationale (OMI), les activités pratiquées dans les eaux ouest-africaines ne sont pas vraiment de la piraterie telle que définie par les conventions internationales. « La piraterie est définie comme étant pratiquée “dans un lieu ne relevant de la juridiction d’aucun État”, soit au-delà de 12 miles marins de la côte. En deçà de ces 12 miles, il s’agit de vols à main armée à l’encontre des navires. C’est la juridiction qui fait la différence. En vertu du droit international, la piraterie est un crime et les États ont l’obligation d’intervenir. En deçà de 12 miles, cela relève de la compétence de l’État côtier. »

Sur les attaques signalées à l’OMI au cours des dix dernières années, seulement 108 ont eu lieu dans les eaux internationales, tandis que 170 ont été menées dans les eaux territoriales et 270 à l’intérieur même des ports. La majorité de ces crimes relèvent donc des juridictions nationales et, bien que les gouvernements et les systèmes judiciaires de certains États côtiers d’Afrique de l’Ouest soient relativement fragiles, ces pays ne se heurtent pas à une absence d’autorité comme en Somalie.

Peu de poursuites

Le recours aux forces navales internationales pour résoudre ce problème est inapproprié à bien d’autres égards. Les marines militaires peuvent être très efficaces pour dissuader les pirates, les mettre en fuite ou récupérer des armes et des cargaisons volées, mais elles ne sont pas prévues ni entraînées pour relever des preuves et poursuivre des criminels.

L’un des intervenants à Chatham House était Tony Attah, de Shell Nigeria. Son entreprise a été très touchée par le crime maritime : des pirates sont allés jusqu’à s’emparer des cargaisons pleins  de pétrole brut. Or, M. Attah s’est dit déçu des résultats de la Force d’intervention interarmées mandatée par le Nigeria pour lutter contre le vol de pétrole. « Nous savons que plus de 1 000 raffineries illégales ont été détruites grâce aux efforts de la marine et qu’un certain nombre de pétroliers remplis de pétrole brut volé ont été saisis lors de raids de grande ampleur, mais malgré l’attention accrue portée à ce jour à ce problème, aucun voleur n’a, à notre connaissance, été poursuivi ni condamné. Les gros trafiquants à l’origine de ces crimes sont toujours en liberté. »

Le secteur pétrolier, dont une grande partie des activités a lieu en mer, est une cible de choix pour les criminels de la région. Et selon M. Attah, il ne s’agit pas de petite délinquance. « Je peux vous dire que c’est un phénomène criminel largement financé, une industrie parallèle de plus en plus perfectionnée qui bénéficie d’une chaîne d’approvisionnement bien développée. Les criminels comptent parmi eux des ingénieurs qualifiés qui soudent des robinets sur des oléoducs à haute pression et disposent d’ateliers de construction navale. »

Le pétrole est une des raisons qui font de cette question un problème international. La région fournit environ 40 pour cent du pétrole utilisé en Europe et 29 pour cent du pétrole utilisé aux États-Unis. Il est essentiel, pour combler la demande mondiale, que ces voies maritimes restent ouvertes et sûres. Le reste du monde est prêt à apporter son aide : la marine britannique comme le Commandement des États-Unis pour l’Afrique étaient présents à la conférence. Tous deux ont proposé de former les marines d’Afrique de l’Ouest et les gardes-côtes et de développer leurs capacités.

Il est très important que ces forces nationales travaillent main dans la main, car les criminels sont très mobiles. Un intervenant a comparé la lutte contre la piraterie dans la région au fait de s’asseoir sur un ballon : si l’on appuie d’un côté, ça ressort de l’autre et si l’on appuie de l’autre, ça ressort ailleurs. Des patrouilles conjointes des marines nigérianes et béninoises ont permis de réduire les attaques dans leurs propres eaux territoriales, mais les pirates ont alors tourné leur  regard vers  le Togo et la Côte d’Ivoire.

Jusqu’à présent, aucune autre action conjointe n’a été menée. La coopération dans la région s’est par ailleurs limitée à des réunions et des séminaires organisés par des structures régionales.

Manque d’information

L’un des principaux problèmes est le manque d’information. Le Capitaine de corvette Stephen Anderson, de la marine royale britannique, dont le navire, le Dauntless, est récemment rentré d’une patrouille dans le golfe de Guinée, a illustré cette question en racontant comment il avait été surpris  de voir à quel point il était presque impossible de savoir quels navires avaient de bonnes raisons d’être là et lesquels étaient suspects.

Il semble que la région et ses alliés internationaux sont encore en train de tâter le terrain. La piraterie le long des côtes d’Afrique de l’Ouest n’a pas encore atteint le niveau de celle qui sévit au large de la Somalie, mais les intéressés craignent manifestement qu’elle prenne de l’ampleur.

La secrétaire exécutive adjointe de la Commission du golfe de Guinée, l’ambassadrice Florentina Ukonga, a lancé un appel franc à toutes les parties intéressées. « En conjuguant nos efforts de manière adaptée afin de créer un cadre juridique commun pour l’arrestation et le jugement des criminels et avec des investissements financiers suffisants et un développement des capacités, la piraterie pourrait être réduite. »

VERSION ANGLAISE

In July last year President Boni Yayi of Benin sent a worried letter to the UN secretary-general. His country was being threatened by the activities of pirates, who were scaring shipping away from the ports on which his country's revenues depend. He wanted international help of the kind which had been deployed against piracy off the coast of Somalia.

His letter put the issue of piracy off the West African coast onto the world agenda. The attacks continue and still cluster in the vicinity of Benin and its neighbour, Nigeria, but despite UN missions and a Security Council debate, the international community is still unsure of the best way to proceed.

On 6 December Coventry University organized a conference on Maritime Security in the Gulf of Guinea, in collaboration with London's Chatham House. One thing which emerged very clearly from the sessions was that what is being called piracy in this area is very different from piracy off the East African coast, and the kind of international naval deployment used against Somali pirates is unlikely to help.

In fact Chris Trelawny, deputy director of the Maritime Safety Division at the International Maritime Organization (IMO), suggested that most of what was going on in West African waters was not really piracy at all, within the meaning of the international conventions. "Piracy is defined as happening `outside the jurisdiction of any state', so outside 12 miles is piracy. If it's inside 12 miles we classify that as armed robbery against ships. The difference is jurisdiction. Piracy is a universal crime and states have an obligation to intervene. Inside 12 miles it is the coastal state's responsibility."

Of the attacks which have been reported to IMO over the past 10 years, only a minority, 108, have happened in international waters: 170 were within territorial waters and 270 actually took place in port. So these are crimes taking place within national jurisdiction, and even though some of the coastal states of West Africa have states and judicial systems which are quite weak, there is no void of authority, like that in Somalia.

Few prosecutions

Using an international naval task force to address the problem is inappropriate in other ways too. Navies can be very good at deterring pirates, or chasing them and recovering stolen weapons and cargo, but they are not designed or trained to collect evidence and process criminals for prosecution.

One of the speakers at Chatham House was Tony Attah from Shell Nigeria, a company which has suffered severely from maritime crime, sometimes losing whole cargoes of crude oil to pirates. Nigeria has a joint military task force which is now mandated to tackle oil theft but Attah is frustrated by the results. "We are aware that over 1,000 illegal refineries have been destroyed through the efforts of the navy, and a number of tankers full of stolen crude have been seized in high profile raids, but despite the increased focus to date, we are not aware of a single thief being prosecuted or convicted. The big barons behind this criminality walk free."

The oil industry, much of it offshore, is one of the main lures for maritime criminals in the area. And, says Attah, this is not petty crime. "I can tell you this is a well-financed criminal phenomenon, a parallel industry, with a well-developed supply chain and growing sophistication. It includes trained engineers who weld valves to high pressure pipelines, boatyards which construct and supply barges."

Oil is also the reason why the issue is of wider international significance. The region supplies around 40 percent of Europe's oil and 29 percent of that consumed by the USA. Keeping these shipping lanes open and safe is vital for world supply. The outside world is ready to offer some help - both the British Navy and the US Africa Command were represented at the meeting. Both have offered training and capacity building to West African navies and coast guards.

For these national forces to work together is clearly important because the criminals are so mobile. One speaker likened fighting piracy in the region to sitting on a balloon - push down on one side and it pops up at the other; push on the other side and it pops up somewhere else. Joint military patrols by the Nigerian and Beninois navies reduced attacks in their own waters, but moved the pirates' attention to Togo and Côte d'Ivoire.

So far that has been the only joint action; apart from that, regional cooperation has mostly involved meetings and seminars, held by regional bodies.

Information gap

One of the major gaps is a lack of information, highlighted at the meeting by Lt-Cmdr Stephen Anderson of the UK's Royal Navy whose ship, the Dauntless, recently returned from a patrol in the Gulf of Guinea, and who had clearly been very struck by the near impossibility of finding out which ships were meant to be there, and which were suspect vessels.

There is a sense at the moment that the region and its international allies are still feeling their way. Piracy off the west coast of Africa is not yet at the same level as that that off Somalia to the east, but there is a clear concern that it could escalate.

The deputy executive secretary of the Gulf of Guinea Commission, Ambassador Florentina Ukonga, addressed a heartfelt appeal to all those concerned. "With the right combination of efforts. to achieve a common legal framework for the arrest and prosecution of criminals, adequate financial investment and capacity building - piracy can be reduced to a bare minimum.

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