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Wednesday, October 26, 2011

Secteur bancaire du Nigeria : Retour à la case départ ?

Quatre mois après la publication de l’article ci-dessous dans Notre Afrik No10 ( Avril 2011), le gouvernement nigérian a nationalisé trois banques privées en détresse : Bank PHB devenue Key Stone bank, Afribank ( Main street bank) et Spring bank (Enterprise bank). Le mois dernier, Access bank a racheté Intercontinental bank quand Eco bank a racheté Oceanic bank la semaine dernière.

Secteur bancaire du Nigeria : Retour à la case départ ?

Par Daouda Aliyou

Le secteur bancaire nigérian a évité in extremis la catastrophe en 2009. Limogeage de patrons de banques, injection de quatre milliards de dollars,
soit environ 2,8 milliards d’euros, dans neuf établissements et adoption de règles de gouvernance plus strictes… Telles sont quelques-unes des mesures qui sauvèrent ce secteur d’une débâcle certaine. Aujourd’hui, deux ans après, il a toujours du mal à se repositionner.

«Il n'y a pas de raison de s'alarmer, nous maîtrisons la situation.Vos épargnes sont en sécurité.» Ce message du gouverneur de la Banquecentrale du Nigeria, Mallam Sanusi Lamido, visant à rassurer les clients d’Intercontinental
bank PLC fin janvier dernier,a fait le tour des médias du pays. En effet, un sms téléphonique anonyme envoyé
aux clients de la banque faisait état de la détresse imminente d’Intercontinental bank, qui n’aurait plus de fonds
pour payer ses clients. Ces derniers s’empressèrent aussitôt de prendre d’assaut les différentes branches de la banque, où on enregistra des retraits massifs d’argent. Après deux jours d’opération, certaines branches d’Intercontinental se trouvèrent dans l’incapacité de régler leurs clients, faute d’argent. Sanusi Lamido
dut alors monter au créneau pour arrêter cette hémorragie financière. Il n’en demeure cependant pas moins que
le secteur bancaire nigérian est fragile et n’inspire plus totalement confiance.

Assainir le secteur et restaurer la confiance

Dès sa prise de fonction en juin 2009, le gouverneur de la Banque centrale du Nigeria (BCN) avait promis d’assainir le secteur financier nigérian. Il avait également indiqué qu’il n’hésiterait pas à obtenir la démission de ceux des dirigeants de banque qui, dans la gestion de leurs établissements, s’écarteraient des règles prudentielles
de la Banque centrale. Ainsi, huit dirigeants de banques ont été contraints à la démission. Parmi les dirigeants limogés, on note ceux d’Afribank, Intercontinental Bank, Union Bank of Nigeria, Oceanic International Bank et
Finbank. A eux cinq, ces établissements bancaires affichaient dans leurs livres, au 31 mai 2009, des créances improductives de plus de 1 143 milliards de nairas (5,2 milliards d’euros), soit environ 41% de leur portefeuille global de crédits, estimé à 2 801,92 milliards de nairas (13 milliards d’euros). La palme est revenue à Oceanic International, avec plus de 278 milliards de nairas (2,7 milliards d’euros) de créances douteuses, suivie d’Intercontinental
Bank avec ses 210,90 milliards de nairas (924 millions d’euros) au remboursement incertain, et d’Afribank pour
141,58 milliards de nairas (185 millions d’euros). Au lendemain de son action, Sanusi Lamido avait immédiatement injecté quatre milliards de dollars dans ces banques pour stabiliser la situation et leur permettre de poursuivre normalement leurs activités. Le président nigérian, Goodluck Jonathan, est également intervenu en faisant adopter par le Parlement une loi portant création d’une «bad bank» ayant pour vocation de débarrasser le secteur de tous les actifs toxiques. Cette structure, dénommée «Asset Management Company of Nigeria (Amcon)», similaire au fonds mis en place en 2008 par les Etats-Unis au lendemain de la crise des subprimes pour apurer le secteur bancaire, devrait racheter pour 16 milliards d’euros de créances douteuses des banques du Nigeria. Elle sera financée
par la Banque centrale et les banques commerciales elles-mêmes, seul moyen, selon les experts, de les responsabiliser. A l’origine de ce développement, les prêts de complaisance consentis par les patrons de ces banques à leurs amis et à certaines personnalités influentes du pays. Comme l’industriel Alhaji Aliko Dangote, considéré par le magazine Forbes comme le Noir le plus riche du monde, dont l’une des entreprises, Dansa Oil and Gas Ltd, reste redevable de plus de 8,836 milliards de nairas (39,5 millions d’euros) à Intercontinental
Bank. Il y a aussi les fringants dirigeants d’Access Bank Plc, Aig Imoukhuede et Herbert Igwe qui, par le biais d’United Alliance Company of Nigeria, doivent au même établissement plus de 16,247 milliards de nairas (70 millions d’euros). A cela s’ajoute la vie de prince que menaient les dirigeants de ces banques. La patronne d’Oceanic bank, Cecilia Ibru, disposait de trois avions personnels, alors que son collègue d’Intercontinental bank,
Eratus Akimbola, avait acheté 144 villas dans les quartiers luxueux de Lagos et à Abuja sous l’oeil complice de l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Charles Soludo (2004-2009), à qui les patrons de ces banques avaient offert un jet privé et finançaient ses voyages à l’étranger. Pour les observateurs, Charles Soludo est responsable des difficultés financières que vit aujourd’hui le secteur bancaire nigérian, jadis courtisé par les investisseurs
étrangers. Les experts continuent de s’interroger: comment les banques qui, en 2005, avaient versé chacune une caution de plus de 163 millions d'euros peuventelles sombrer cinq ans après?

Fin de la lune de miel?

Après une période d'amateurisme dans les années 1990 et début 2000, le secteur bancaire nigérian se portait mieux après la réforme lancée en 2004, les banques du pays avaient considérablement amélioré leurs services et augmenté leur chiffre d'affaires; à la grande satisfaction des clients et au profit de l'économie nigériane. Surles 25 banques que compte le pays, douz figuraient sur la liste des 1 000 premièresbanques du monde en 2007 et l’une d'entre elles avait occupé la 355e position. Un événement inédit depuis la création, en 1892,
de la première banque du Nigeria, sixième exportateur mondial de pétrole brut et pays le plus peuplé du continent africain. Cette prouesse des banques nigérianes est le résultat de la réforme lancée en 2004 par la Banque centrale du Nigeria (CBN). Avant cette date, ce secteur, animé par une pléthore de sociétés privées créées à la faveur de la libéralisation dans les années 1980, était en proie à d'énormes difficultés. Créées et dirigées par des amateurs, bon
nombre de banques privées détournaient les fonds de leurs clients et fermaient aussitôt boutique, quitte à réapparaître plus tard sous d'autres noms. La modicité de la caution exigée par l'Etat pour ouvrir une banque (200 millions de nairas, soit 1,3 million d'euros) et le manque de rigueur de la CBN favorisaient de tels agissements.
Les investisseurs, découragés, préféraient à la grande satisfaction des clients et au profit de l'économie nigériane. Sur les 25 banques que compte le pays, douze figuraient sur la liste des 1 000 premières banques du monde en 2007 et l’une d'entre elles avait occupé la 355e position. Un événement inédit depuis la création, en 1892,
de la première banque du Nigeria, sixième exportateur mondial de pétrole brut et pays le plus peuplé du continent africain. Cette prouesse des banques nigérianes est le résultat de la réforme lancée en 2004
par la Banque centrale du Nigeria (CBN). Avant cette date, ce secteur, animé par une pléthore de sociétés privées créées à la faveur de la libéralisation dans les années 1980, était en proie à d'énormes difficultés.
Créées et dirigées par des amateurs, bon nombre de banques privées détournaient les fonds de leurs clients et fermaient aussitôt boutique, quitte à réapparaître plus tard sous d'autres noms. La modicité de la
caution exigée par l'Etat pour ouvrir une banque (200 millions de nairas, soit 1,3 million d'euros) et le manque de rigueur de la CBN favorisaient de tels agissements. Les investisseurs, découragés, préféraient s'adresser aux banques étrangères, ce qui avait eu des conséquences dramatiques sur l'économie nigériane, déjà plombée par la corruption ambiante. Tout avait commencé à changer en juillet 2004, lorsque l’ancien président
Olusegun Obasanjo, engagé dans une politique de redressement de l'économie, avait nommé à la tête de la CBN
Charles Soludo, professeur d'économie et ancien consultant à la Banque mondiale. Le nouveau gouverneur avait pris la décision de multiplier par 125 la caution bancaire (soit 25 milliards de nairas, 163 millions d'euros) et avait sommé les établissements de s'y conformer avant fin décembre 2005. La plupart des 89 banques du pays avaient alors vendu leurs actions ou fusionné, donnant ainsi naissance à 25 entreprises «crédibles» à l’époque, selon la CBN. Dopées par la reconstitution de leur capital et seules sur un marché de plus de 150 millions de clients potentiels, elles avaient installé en deux ans, dans tout le pays, plus de 4 000 succursales, soit le double de l'effectif d'avant la réforme. Elles avaient amélioré par ailleurs leurs prestations en permettant, par exemple, à leurs clients de faire des retraits à tout moment, grâce à des machines automatiques installées à leur devanture. Plus question de faire la queue! «Maintenant, quand je veux faire un dépôt, il me suffit d'appeler la banque qui m'envoie aussitôt
l'un de ses agents», s'enthousiasme Alhabji Suleymane Imodola, commerçant à Lagos, la métropole économique.
«L'opération effectuée, on m'en informe sur mon téléphone portable et je suis l'évolution de mon compte sur Internet. C'est formidable!», poursuit-il. Hélas! Cette joie risque de faire place à l’amertume les mois à venir si le gouvernement n’y prend garde. Mais Mallam Sanusi Lamido, l’actuel gouverneur de la Banque centrale, rassure: «Je ferai tout pour améliorer les ratios de ces banques par la promotion de la bonne gouvernance.» Et déjà, les banques sudafricaines, chinoises ainsi que certains poids lourds de la finance mondiale comme le fonds Renaissance Capital
ont manifesté leur intention de racheter les banques «malades». Aussi, quatre de ces banques sont-elles en négociation depuis février dernier pour examiner les possibilités d’une fusion.