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Tuesday, November 8, 2011

Qui est Boko Haram ?

Le groupe Boko Haram -qui signifie «l'éducation occidentale est sacrilège»- milite pour l'instauration de la loi coranique, la charia, la plus stricte au Nigeria. Apparu dans ce pays en 2004, ce mouvement serait composé essentiellement d'étudiants ayant abandonné leurs études. Boko Haram se veut une version sub-saharienne des talibans afghans, mais sa vision radicale de l'islam n'est pas partagée par la majorité des musulmans nigérians. L'organisation la Jamaatu Nasril Islam a d'ailleurs condamné ses méthodes violentes.
Une série de conflits théologiques ont précédé le conflit ouvert entre le chef de Boko Haram et plusieurs théologiens de la ville, dont Ali Ibrahim Fantami et Malam Idris Abdul Aziz. Ces derniers avaient à plusieurs reprises invité Mohamed Yusuf à débattre des principes et doctrines de l'islam et l'avaient ridiculisé en raillant publiquement son manque de compréhension du Coran. Lors de l'une de ces controverses, Mohamed Yusuf, qui reconnaissait ne pas avoir été à l'école primaire, avait exprimé d'importantes réserves sur la théorie de l'évolution de Darwin, déploré que les neuf planètes du système solaire portent des noms de divinités païennes et rejeté la théorie du big bang et l'échelle des temps géologiques.
Les spécialistes de la région voient plutôt Boko Haram comme une secte, sans véritable visée politique. Les autorités nigérianes parlent de leur côté d'une organisation de fanatiques. Quant au quotidien Nigerian Tribune, il révèle que des hauts fonctionnaires du gouvernement auraient soutenu les activités de Mohamed Yusuf, le leader du groupe. Ainsi, un policier aurait frôlé le licenciement pour avoir, par le passé, osé l'arrêter. En 2008, dans une autre affaire, les services de sécurité de l'Etat avaient arrêté Yusuf, qui avait été déféré devant la justice puis acquitté en janvier 2009. Cette controverse montre bien, par son existence et au-delà de sa véracité ou pas, que la question religieuse ou confessionnelle n'est pas la seule source du conflit. Loin s'en faut.

La piste Al Qaïda : une hypothèse

Les liens déclarés de Boko Haram avec les talibans suggère un lien avec Al Qaïda. L'un des camps d'entraînement, installé à l'est, dans une zone poreuse frontalière du Niger, était même baptisé «Afghanistan». La proximité de la région avec le Sahel également. Un troisième élément remonte à 2001, quand l'Egyptien Ayman al Zawahiri prédisait que le Nigeria constituerait bientôt un nouveau front clé dans la guerre terroriste contre l'Occident.
Mais si un lien existait réellement avec Al Qaïda, pourquoi les islamistes nigérians n'ont-ils pas pris pour cibles des étrangers ? Scott Johnson relève bien qu'aucun Nigérian ne s'est retrouvé à Guantanamo, qu'il n'existe pas de fort sentiment anti-américain au Nigeria et pas de troupes américaines à proximité sur qui lancer des attaques. «L'Afrique de l'Ouest ne s'est pas révélée un terreau fertile pour le djihadisme... On n'y trouve pas de réseau islamiste régional», indique de son côté Peter Lewis, directeur du programme Afrique pour le SAIS (School for Advanced International Studies) de l'université John Hopkins. Le doute relatif à des liens avec le terrorisme international n'empêche pas l'existence de courants islamistes dont certains sont effectivement radicaux et violents. Plusieurs groupes sont apparus au Nigeria, divers et variés. Le catalogue va des wahhabites d'Arabie saoudite aux Frères musulmans égyptiens, en passant par des groupes ethnico-religieux. C'est ce qui explique que 12 Etats sur les 36 que compte le Nigeria ont adopté la charia en dix ans.
«La charia, au moins, peut revendiquer sa légitimité et sa stature morale dans une situation considérée par beaucoup comme amorale ou immorale, et où les dés sont pipés», confirme Lewis du SAIS. La seule cible de ces groupes a toujours été le gouvernement fédéral, dans la moindre revendication politique supranationale (Irak, Palestine, Afghanistan).
Le nord du Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique avec au moins 150 millions d'habitants, est à dominante musulmane tandis que le sud du pays est majoritairement chrétien. Le taux de pauvreté (personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour) peut dépasser 70%.