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Thursday, September 1, 2011

Attentat contre l'ONU: Comprendre les violences au Nigeria

La violence au Nigeria a pris une toute nouvelle dimension avec l'attentat suicide contre le siège de l'ONU à Abuja, soulevant des questions sur une secte islamiste qui a revendiqué l'acte et sur la capacité des autorités nigérianes à faire face à une escalade continue.

Plusieurs analystes jugent possible que le groupe islamiste Boko Haram soit derrière l'attaque du kamikaze qui a éventré le bâtiment en se faisant sauter dans sa voiture, tuant au moins 23 personnes, vendredi dernier.
Mais tous font preuve de prudence, n'excluant pas d'autres pistes, étant donné la complexité du Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique et premier producteur du brut du continent. La corruption et la violence y sont endémiques depuis des décennies.
L'attentat marque «une escalade importante de plusieurs points de vue», selon Chidi Odinkalu, de l'ONG Open Society Justice Initiative. «Il s'agit d'une escalade du point de vue du risque et de la menace».
Pete Sharwood-Smith, responsable au Nigeria de la société Drum Cussac (conseil et évaluation de risques), estime que l'attaque «a clairement été menée sous les auspices de Boko Haram, par une faction de Boko Haram».
«Mais il est difficile de savoir pourquoi. Veulent-ils une attention internationale à leur cause? Il est possible qu'ils aient opéré sous l'influence, ou d'après les conseils, d'Al-Qaïda au Maghreb islamique», poursuit-il.
Soupçons sur Al-Quaïda
Une multiplication d'indices a fait craindre ces derniers mois des liens entre Boko Haram et la branche maghrébine d'Al-Qaïda (AQMI), active au Niger voisin.
Ses attaques sont devenues plus sophistiquées mais le groupe n'a jusqu'à présent jamais pris pour cible une organisation internationale. Boko Haram, qui a sa base dans le nord-est du Nigeria, veut instaurer un Etat islamique. Son dirigeant Mohammed Yusuf a été tué par les forces de l'ordre lors d'une violente insurrection en 2009. Depuis 2010, le groupe a multiplié ses attaques, souvent des assassinats par des hommes à moto.
Pour Abubakar Tsav, ex-responsable de la police dans la capitale économique Lagos, l'attaque de vendredi «dépasse» Boko Haram et si le groupe est effectivement impliqué «il y a un lien étranger». «Quoi qu'il en soit, les menaces sécuritaires auxquelles est confronté le Nigeria ont pris une nouvelle dimension effrayante», souligne-t-il.
«Il est possible que des personnes influentes ayant des intérêts particuliers au Nigeria aient joué un rôle dans l'attentat suicide», estime encore M.Tsav.
Violences à cause de tensions politiques et économiques
La victoire à la présidentielle d'avril de Goodluck Jonathan, un chrétien du sud qui a battu aisément son principal adversaire Muhammadu Buhari, un musulman du nord, a provoqué la colère dans le nord où beaucoup estimaient que la présidence devait leur revenir, en vertu d'un principe de rotation.
Des violences post-électorales ont fait plus de 800 morts. Les 150 millions de Nigérians sont à peu près aussi nombreux dans le nord majoritairement musulman que dans le sud à dominante chrétienne.
Pete Sharwood-Smith n'exclut pas non plus que l'attentat de vendredi dernier soit le résultat de tensions politiques. «Des factions politiques dans le nord ont assurément assisté Boko Haram ces derniers six mois», note-t-il. Face à une longue tradition de politique mêlée de violence et de corruption, certains analystes doutent que les autorités nigérianes soient en mesure d'inverser la tendance et de faire face aux nouvelles menaces.
«Personne ne résout rien, l'argent est simplement empoché (...) l'idée qu'un gouvernement est synonyme de profits personnels (...) explique aussi, en tout cas partiellement, où nous nous trouvons maintenant», estime M. Odinkalu. Alex Vines, de l'institut de recherche sur les relations internationales Chatham House, juge que les «stratégies du gouvernement fédéral pour contrer le terrorisme dans le nord ont été contreproductives».
Le nord du pays est «marginalisé», moins développé que le sud. L'attentat devrait «mettre en garde» le président Jonathan sur l'importance d'un développement «équitable» du pays, souligne-t-il.