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Saturday, November 20, 2010

INTERVIEW: Mujahid Dokubo Asari

Ancien leader d’un mouvement armé pour la défense des intérêts du delta du Niger, Mujahid Dokubo Asari est aujourd’hui membre du principal parti d’opposition du Nigeria. Pour lui, la fin de la violence dans le Sud pétrolier passe par l’organisation d’élections transparentes.
Pour protester contre la gestion de la manne pétrolière au Nigeria, Mujahid Dokubo Asari se présente, sans succès, à diverses élections. Il fonde ensuite en 2004 la Force des volontaires du peuple du delta du Niger, le plus important groupe armé de cette région. Pendant un temps, son mouvement bloque la production, mais sans détruire les installations pétrolières comme le font d’autres mouvements.
Arrêté en 2006 pour haute trahison sous l’ex-président Obasanjo, il est relâché un an plus tard par le président Yar’Adua qui, soucieux de pacifier la région, accorde l’amnistie à de nombreux militants armés. À 45 ans, Mujahid Dokubo Asari milite aujourd’hui pacifiquement dans l’opposition.

Q : Qu'est-ce qui justifie votre engagement ?

Mujahid Dokubo Asari : Les agitations dans la région remontent aux années 50 avec la découverte du pétrole. Nous réclamons le contrôle de nos ressources. À défaut, un partage équitable des retombées et le développement de la région. Le gouvernement nigérian tire 95 % de ses revenus de notre territoire. Ce sont nos ressources qui ont servi à développer Abuja, Lagos, Kano, Kaduna et autres. Pourquoi pas le delta du Niger ? On accorde un reversement de 13 % des recettes pétrolières à la région. Une piètre récompense partagée entre les acolytes du pouvoir central.

Q : Que voulez-vous dire ?

M. D. A. : Presque tous les gouverneurs des États de la région pétrolière sont issus du Parti démocratique du peuple (PDP) au pouvoir. Cette tendance est manifeste depuis l’indépendance du Nigeria en 1960. Le pouvoir central nous a toujours imposé des gouverneurs issus d’élections frauduleuses. Ces derniers pillent nos ressources avec la complicité des compagnies pétrolières installées dans la région. C’est l’injustice que nous dénonçons. Plus de 70 % de nos populations sont pauvres ; il n’y a pas d’emploi pour les jeunes et pas d’infrastructures. Pourtant, la région produit chaque jour près de 2 millions de barils de pétrole brut !
Q : Est-ce une attitude délibérée des divers régimes de ne pas développer la région pétrolière? Sinon, qu’en est-il exactement ?

M. D. A. : La guerre civile de 1967 à 1970, au cours de laquelle le Sud (les Ibos) voulait créer la république du Biafra, continue de hanter les gouvernants. Le pouvoir central pense que si notre région se développe, nous allons organiser la sécession. C’est pourquoi on nous fait des promesses illusoires depuis des décennies avec la création d’une commission pour le développement de notre région, puis d’un ministère. On n’a pas mis en place des commissions pour développer les autres villes, pourquoi alors une commission pour notre territoire ?
Q  : Quelle est, selon vous, la solution à cette crise ?

M. D. A. : C’est l’organisation d’élections libres et transparentes qui permettront aux militants que nous sommes de prendre les commandes de la région et de la développer. C’est dans cette logique que mes partisans et moi avons adhéré au principal parti d’opposition (Action Congress) avec l’espoir qu’en 2011, il y aura des élections transparentes, ce qui nous permettrait d’occuper des postes de direction. Nous ne comptons plus sur le pouvoir central. Dans moins de deux ans, le président Yar’Adua achèvera son mandat sans rien réaliser dans la région. Une autre administration viendra avec une nouvelle feuille de route. Comme c’est le cas depuis 50 ans.
Q : Que pensez-vous de l’amnistie accordée en juin dernier aux milices armées par l’ancien  président feu Yar’Adua ?

M. D. A. : C’est une comédie ! Selon la constitution nigériane, on offre l’amnistie à celui qui a commis un crime et qui a été jugé et condamné par une cour. Ici, le président, unilatéralement, décide d’accorder l’amnistie à des gens qu’il ne connaît pas, juste parce que la production de brut est menacée. Cela n’a pas de sens. Ce n’est pas la solution aux problèmes de la région.

 
Q  : Quelles seront vos priorités si un jour vous accédez au pouvoir politique ?

M. D. A. : Revoir la répartition des revenus pétroliers, créer des emplois à nos militants dont 60 % sont nantis d’un diplôme universitaire, mettre en place les infrastructures sociales et encourager les investissements étrangers dans la région.


  
                                                                                                                                    Daouda  Aliyou