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Thursday, November 4, 2010

Nigeria : Lagos, plus belle et plus attrayante

Depuis trente ans, le nom de Lagos, la métropole économique du Nigeria, rimait avec insécurité et insalubrité. Grâce aux travaux de restauration en cours, la ville a embelli et la délinquance reculé pour le plus grand bonheur des habitants et des visiteurs de passage. Et le malheur de ceux que ces opérations évincent sans ménagement.

Hosler Muller, un Allemand, agent d’une compagnie de construction immobilière qui vit au Nigeria depuis 5 ans, n'en croit pas ses yeux. "Jusque-là, dit-il, je n’ai jamais osé circuler tard sur cet échangeur, autrefois berceau des criminels. Avec les travaux de réfection et la sécurité actuelle, je compte faire venir ma famille après les fêtes de fin d’année." À l’instar de cet échangeur de Third mainland bride, d'autres quartiers de la métropole nigériane, forte de 17 millions d’habitants, ont été transformés par les travaux entrepris depuis septembre 2007 par le gouverneur de Lagos, Babatunde Raji Fashola.
L'emplacement du redoutable marché d'Adeniji Adele, réputé pour son insécurité et ses odeurs nauséabondes, est devenu un beau jardin public. Oladapo Bankole, étudiant dans l’État d’Oyo au sud-ouest, ne reconnaît plus le quartier Marina qu’il avait quitté il y a seulement six mois : "C'était autrefois un endroit sale. En descendant du taxi, j’ai été émerveillé de me retrouver dans un quartier propre avec des fleurs bien taillées." Dans le quartier d'Alausa, où est installé le secrétariat de l’administration de Lagos, des bâtiments somptueux semblent avoir poussé dans les jardins qui égaient tous les grands carrefours. La transformation des 118 km d’autoroute qui relient Lagos à Ibadan (troisième plus grande ville du pays après Lagos et Kano au Nord) est tout aussi spectaculaire avec le gazon et les fleurs qui bordent les voies.

L'ambition d'un gouverneur

Le contraste avec l'état de la ville auparavant est saisissant. Lagos n'était jusqu'à 2007 qu'un vaste bidonville couvert d’immondices. Depuis le lancement des travaux, qui devraient durer 3 ans, le même scénario s’observe chaque jour sur les grandes artères. Cinq heures du matin : des camions débarquent des femmes chargées du nettoyage. En blouson orange ou rouge, elles balaient les différentes autoroutes de la ville jusqu’à midi, puis les autres routes jusqu’à 19 h. La circulation ne se faisant alors que sur une voie, cela crée des embouteillages monstres, mais les populations acceptent ces désagréments, "d’autant plus qu’à la fin, cela favorise la fluidité de la circulation et réduit les risques d'accident " apprécie un conducteur.
Six heures : les agents chargés du contrôle et de la régulation du trafic sur les autoroutes, se positionnent jusqu’à 19 h. Pantalon marron, chemise jaune clair, et non armés, ils réglementent la circulation et infligent des amendes de 50 000 nairas (370 dollars) aux conducteurs pour mauvais stationnement et dépassement dangereux. Dix-huit heures : les lampadaires s'allument éclairant les places publiques et certains quartiers. Un beau spectacle et une sécurité retrouvée. Selon Musiliu Smith, président de la Commission pour la réduction de l’insécurité à Lagos, "on enregistrait près de 200 plaintes pour vol et braquage par jour dans les commissariats à la fin de l’année 2007. Depuis 4 mois, on en enregistre moins de 40".
Cette évolution résulte de l'ambition du nouveau gouverneur, élu le 14 avril 2007 pour un mandat de 4 ans renouvelable une fois, de faire de Lagos, l’une des plus belles mégapoles du continent, attirante pour les touristes et les investisseurs. Il dit avoir pour cela le soutien du gouvernement fédéral et de la Banque mondiale qui ont mis à sa disposition les moyens nécessaires, sans toutefois préciser le montant de ces opérations.

De nombreux emplois créés

Trois mois après sa prise de fonction, un contingent de 50 000 agents appelés Kick Against Indiscipline ("Tolérance zéro contre l’indiscipline" – KAI) a été mobilisé de jour comme de nuit afin de démolir les infrastructures construites illégalement. "Nous sommes obligés de travailler 24 heures sur 24 parce que les Lagosiens sont têtus. Quand vous les chassez le matin, ils reviennent le soir", remarque Olajire Adebowale, un agent du KAI.
Au-delà de l'aspect l’esthétique, ces travaux sont créateurs de nombreux emplois. C’est ainsi que 566 petits délinquants ont été engagés à plein temps pour entretenir les jardins. Les vendeuses de fleurs et de plants, quant à elles, se frottent les mains. C'est le cas d'Esther Omokaro qui explique que la forte demande a fait augmenter le prix des plants, passé de 50 nairas (0,38 $) il y a deux ans à 150 voire 500 nairas (1,15 et 4 $).
L'embellissement de Lagos ne fait cependant pas que des heureux. Plus de 10 000 bâtiments ont été détruits, sans dédommagement, après plusieurs ultimatums du gouverneur. Trois mille autres, construits sans autorisation sur le domaine public, le seront dès mars prochain pour élargir l’autoroute de 300 km qui relie Lagos à Sèmè (frontière avec le Bénin). "Depuis qu’on a démoli tous les hangars de fortune sous le pont d’Ikeja (siège de l’administration de Lagos, Ndlr), j’ai du mal à m’en sortir. Je vis grâce à ma famille. Avant, je gagnais 2 000 nairas (16 $) par jour. Maintenant, je suis désœuvrée", se plaint Uju Anyanwu, une coiffeuse. Son hangar a été détruit pour faire place à un jardin. Pour justifier ces mesures radicales, le commissaire à l’Environnement de Lagos, Muiz Bamire, affirme que "c’est le prix à payer, car rien de bon ne se réalise sans sacrifice".