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Thursday, February 9, 2012

NIGERIA: Jamais aussi divisé, jamais aussi uni

Un mois après les manifestations qui ont éclaté dans l’ensemble du Nigeria pour protester contre l’augmentation spectaculaire des prix du carburant survenue à la suite de la suppression d’une subvention du gouvernement, le calme s’est rétabli et la population semble avoir décidé d’accepter un compromis.

À la suite de la fin de la subvention, le 1er janvier, le prix du pétrole est passé de 65 nairas à 141 nairas (0,40 à 0,90 dollar) le litre, ce qui a entraîné une augmentation importante du coût des transports et des denrées alimentaires.

La population a réagi rapidement et massivement. Encouragées par les syndicats, les organisations professionnelles et la société civile, les différentes communautés de cette nation de 167 millions d’habitants sont descendues dans la rue, paralysant du coup l’économie et allant même jusqu’à menacer d’arrêter la production de pétrole. Surprise ! Les autorités ont cédé aux pressions des manifestants et décidé de ramener l’augmentation du prix du carburant à 50 pour cent au lieu de plus de 100 pour cent.

« Le Nigeria n’a jamais été aussi divisé depuis la guerre civile, et pourtant, la population n’a jamais été aussi unie dans toute son histoire », a dit Hussaini Abdu, analyste politique et directeur de l’organisation non gouvernementale (ONG) ActionAid Nigeria.

Les Nigérians sont nombreux à considérer le carburant bon marché comme l’un des rares avantages d’un gouvernement autrement inefficace et corrompu. Les manifestants ont envoyé un signal fort, ont déclaré les analystes. « Les Nigérians croient qu’en payant plus pour le pétrole, ils financent la corruption », a dit M. Abdu.

Le gouvernement soutient quant à lui qu’il pourrait économiser 8 milliards de dollars par an en supprimant la subvention. Cet argent pourrait être investi dans la construction de routes et la mise en œuvre de projets sociaux et ainsi permettre d’améliorer les conditions de vie des citoyens. Les autorités estiment par ailleurs que la subvention ne profite qu’aux intermédiaires, et non au public, et les partisans de sa suppression disent qu’elle profite aux riches et favorise la contrebande avec les pays voisins.

Le gouvernement croit que les Nigérians bénéficieront de la déréglementation de l’aval pétrolier, et donne comme exemples la construction, la réhabilitation et l’achèvement – prévus ou en cours – de chemins de fer, de raffineries, d’autoroutes, de centrales hydroélectriques, de technologies de l’information et de systèmes d’approvisionnement en eau.

Programme SURE

Ces projets, qui profiteront à la population, seront mis en œuvre dans le cadre du Subsidy Reinvestment and Empowerment Programme (SURE), qui finance également des programmes de protection sociale à court terme pour atténuer l’effet de la suppression de la subvention.

On peut se demander à quel point la population sera convaincue (du bien-fondé du programme). Selon les analystes, si les Nigérians se sont montrés aussi unis lors des manifestations, c’est à cause de la corruption, mais aussi de l’amertume suscitée par les politiques du gouvernement, qui les ont rendus pauvres. Le salaire minimum est passé de l’équivalent de 46 dollars à 112 dollars par mois en 2011, mais la plupart des Nigérians sont moins bien payés.

Selon le Centre for the Study of the Economies of Africa (CSEA), les plus démunis pourraient consacrer une part encore plus importante de leur revenu à la nourriture à cause de l’inflation causée par l’augmentation du prix du carburant et de la hausse du coût des transports. (D’après le CSEA, les Nigérians consacrent en moyenne 51 pour cent de leur revenu, soit la part la plus importante, à l’achat de denrées alimentaires. Les transports figurent en troisième position avec 7 pour cent.)

Selon le CSEA, le Comité de politique monétaire (Monetary Policy Committee, MPC), qui est responsable de l’élaboration de la politique monétaire et du crédit, devrait faire preuve de neutralité afin de soutenir les efforts du gouvernement pour stimuler l’économie par l’intermédiaire du programme SURE, qui met l’accent sur la création d’emplois. « À moyen terme... les prix pourraient diminuer grâce aux efforts déployés dans le cadre du programme SURE pour combler le déficit d’infrastructures dans l’économie », ajoute le CSEA.

Le gouvernement devra peut-être prouver, à court terme, qu’il est différent des gouvernements précédents et qu’il est responsable et sensible aux préoccupations actuelles de la population. Sinon, la population pourrait descendre de nouveau dans la rue pour manifester sa colère contre le gouvernement central.

Selon Jeff ‘vwede Obahor, un consultant en matière de sécurité, les Nigérians ont maintenant rare le bol avec la suppression de la subvention sur le carburant, et tout ce qu’ils veulent maintenant, c’est une bonne gouvernance. « ….il s’est passé trop de choses et c’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ».


Version anglaise

NIGERIA : Never so divided, never so united
A month after an angry public launched protests across Nigeria over skyrocketing fuel prices due to the removal of a government subsidy, a measure of calm has returned and people seem to have settled into accepting a compromise.

The removal of the subsidy on January 1st raised petrol prices from 65 naira to 141 naira (40 to 90 US cents) per litre, and led to sharp increases in food and transport costs.

The public response was swift and widespread. Led by labour unions, professional groups and civil society, different communities across this nation of 167 million people marched through the streets, paralysing businesses and even threatening to shut down the oil industry. A stunned government backed down, settling for a 50 percent rather than a more than 100 percent hike in the fuel price.

"Nigeria has never been this divided since the civil war, and yet the country has never been this united in protest in its history," said Hussaini Abdu, a public policy analyst and director of ActionAid Nigeria.

Many people see cheap fuel as one of the few benefits they get from an otherwise inefficient and corrupt government. The protesters were putting down a marker, say analysts. “Nigerians think that by paying more for fuel, they are only subsidizing corruption,” said Abdu.

The government’s position is that removal of the subsidy would save US$8 billion a year which could then be spent on roads and social projects, and improve citizens’ lives. It says the subsidy only benefits middlemen, not the public, and supporters say the fuel subsidy favours the rich and encourages fuel smuggling to neighbouring countries.

The government believes Nigerians will gain from deregulation of the downstream petroleum sector, and points to the planned or ongoing construction, completion and rehabilitation of railway lines, refineries, highways, hydro-electric stations, information technology and water supply systems.

SURE

These projects, which will benefit the public, are to be executed under a Subsidy Reinvestment and Empowerment Programme (SURE), which also funds short-term social welfare programmes to cushion the impact of the subsidy removal.

The degree to which the public will be convinced is debatable. Analysts say that apart from corruption, people showed unity in the protests out of bitterness at government policies which have left them poor: The minimum monthly wage increased in 2011 from the equivalent of US$46 to $112, but most Nigerians are paid less than this new wage level.

The Centre for the Study of the Economies of Africa (CSEA) says inflation caused by the fuel price rise could lead to poor people spending an even higher proportion of their income on food because they would be paying more for transport. (CSEA says food has the highest weight of 51 percent in Nigerian’s inflation basket; transport has the third highest weight of 7 percent.)

CSEA also says a neutral stance by the Monetary Policy Committee, which sets monetary and credit policy, would help government’s efforts to boost the economy through its SURE programme and its emphasis on job creation. “In the medium term… prices may moderate as efforts are channelled towards addressing the infrastructure deficit in the economy through the SURE programme,” it adds.

The government may have to demonstrate, rather quickly, that it is different from previous ones; that it is accountable; and is attuned to current public sentiment. Otherwise, the show of united public anger against the central government may spill onto the streets again.

Safety consultant Jeff ‘vwede Obahor said the subsidy removal had brought Nigerians to a tipping point, and all they wanted now was good governance. "It's like a champagne effect; too many things have been going down and this is the last straw."

Thursday, February 2, 2012

La propagation de l’insurrection au nord du Nigeria

Maiduguri – Alors que le bruit lointain d’une bombe place par des militants est suivi quelques secondes après du crépitement des armes automatiques des soldats gouvernementaux, Satu Mari tend l’oreille dans le parking de l’hôtel qu’il possède à Maidiguri, une ville du nord-est turbulent du Nigeria. « Les bombes sont notre pain quotidien, » dit-il avec désinvolture. « les bombes sont notre bonjour et notre bonsoir. » Maiduguri s’enfonce vers une guérilla à part entière et M. Mari gère une des rares entreprises à avoir un bel avenir. Il héberge des officiers de l’armée.
Le gouvernement dépêche des centaines de soldats dans le nord du Nigeria pour combattre des militants islamistes qui seraient le produit d’une petite secte au cours de la dernière décennie. Connue sous le nom de Boko Haram, on lui reproche presque tous les actes de violence qui surviennent en ce moment dans la nation la plus peuplée d’Afrique, avec quelque 160 millions d’habitants. Après une série d’attaques contre des banques et des prisons fin 2010, les militants auraient monté d’un cran en assassinant des politiciens et des employés qui étaient chargés de préparer les élections de mars et avril de l’année dernière. On leur impute aussi des bombes qui ont explosé au quartier général pourtant très surveillé de la police nationale et dans les bureaux de l’ONU à Abuja, la capitale. Et, pour la deuxième année consécutive, Boko Haram est accusé d’avoir attaqué des messes de Noël dans des églises.
Toutes ces actions semblent largement excéder les capacités d’une petite secte connue surtout pour ses opinions sur l’éducation séculière. En haoussa, la langue la plus parlée au nord, Boko Haram signifie « l’éducation occidentale est interdite.» La fréquence et la sophistication des attaques ont conduit de nombreux observateurs, particulièrement en Amérique, à suggérer que l’organisation reçoit un soutien de réseaux terroristes internationaux. La branche algérienne d’al Qaïda et, plus improbable, les Shabab de Somalie ont été mentionnés. Le gouvernement du Nigeria, désireux d’obtenir de généreux financements en tant qu’allié sur la ligne de front de la « guerre globale contre la terreur » menée par l’Occident, a encouragé ce genre d’explications.
Cependant, les dirigeants politiques et religieux du nord majoritairement musulman, voient les choses autrement. Pour eux ; l’organisation islamiste insérée dans un réseau international qui s’active férocement dans la clandestinité est largement un bouc émissaire imaginaire. Ils disent qu’il y a bien quelques vrais fanatiques religieux dans le nord du pays mais ils laissent entendre que Boko Haram a été agrégé à un mélange trouble de criminels opportunistes et de politiciens aigris. « C’est un peu comme un Triangle des Bermudes, » explique Kashim Shettima, gouverneur de l’Etat de Borno d’où l’organisation est originaire. « Boko haram » est devnu une franchise où n’importe qui peut se servir. »
Jonathan Goodluck, le président Nigerian semble ambivalent. Il a affirmé que Boko Haram et ses sympathisants avaient infiltré toutes les branches de l’Etat, y compris la police et l’armée. « Certains continuent à plonger la main dans l’assiette [commune] et à manger avec vous, et il vous sera impossible de savoir qui pointera une arme vers vous ou placera une bombe derrière votre maison, » avait-il dit à une congrégation dans une église à Abuja.
Le président, un Chrétien impopulaire dans le nord musulman, suit les conseils de ses hauts responsables de la sécurité qui veulent du sang. Il a placé une bonne partie du nord en état d’urgence. Il semble disposé à donner à la police et aux forces armées les mains libres pour effectuer des opérations à grande échelle. Et il s’est donné comme objectif de dépenser une somme étonnante correspondant à 20 % du budget fédéral pour la sécurité cette année.
Certains craignent que de telles mesures aggravent les choses. Déjà déployés dans certaines parties du nord, les soldats sont vues comme des occupants par les locaux. Leur rudesse, parfois leur comportement violent nourrissent des sentiments de révolte. Un retour de flamme est déjà en train de se produire.
Le nord a un besoin urgent de développement économique. Alors que le riche sud pétrolier est en plein essor, près de trois quart des habitants du nord vivent avec moins de 200$ par an, bien en dessous des seuils de pauvreté. Peu de programmes gouvernementaux viennent réellement en aide à cette région
Les 80 millions de Musulmans du pays mettent cette situation au compte d’une perte d’influence politique. Quand l’armée dirigeait le Nigeria, les nordistes étaient souvent aux responsabilités, mais cela s’est terminé il y a douze ans. Un sentiment de marginalisation a provoqué une insatisfaction politique que les extrémistes nordistes ont alimentée. Pourtant, les services de renseignements chargés de les traquer semblent rarement les trouver, que ce soient des extrémistes religieux ou des opportunistes politiques. Pendant que les barbouzes continuent leur travail, le gouvernement doit rapidement s’occuper de doléances anciennes et légitimes.
Pour l’instant, c’est le contraire qui s’est produit. La décision gouvernementale audacieuse de supprimer le subventionnement du carburant à partir du 1er janvier, quel que soit son bien fondé économique, a encore élargi le fossé entre riches et pauvres. Des grèves d’ampleur nationale ont suivi cette mesure. La tension et l’anarchie se sont accrues.
Pourtant, l’Etat nigérian a montré qu’il peut mettre fin à une insurrection s’il joue ses cartes correctement. Il y a quelques années de cela, la plus grande partie des violences politiques au Nigeria se produisait dans le delta du Niger au sud du pays. Tout comme les habitants du nord aujourd’hui, ceux du delta se plaignaient de la corruption, de la pauvreté, de l’inégalité et du manque de développement. Certains habitants du delta avaient soutenu des organisations armées ; d’autres avaient bénéficié de leurs largesses. Dans les neuf premiers mois de 2008, près de 1 000 personnes avaient été tuées pendant les troubles et près de 3 00 prises en otage. Sur plusieurs années, le coût pour le Nigeria, du fait des vols de pétrole et des sabotages d’oléoducs, a été estimé à environ 24 milliards de dollars.
Mais un accord signé en 2009, comprenant une amnistie, a permis de ramener une paix relative dans la région. Les militants ont reçu de l’argent et un pardon inconditionnel. Près de 26 000 d’entre eux avaient accepté Selon des chiffres officiels, plus de 15 000 anciens militants ont reçu une formation professionnelle ou une instruction élémentaire sur le tard..

Même si le delta est beaucoup plus sûr, le programme d’amnistie n’a pas encore ramené totalement la paix. Et son coût a été élevé. Les militants repentis touchent chacun 393 dollars par mois en numéraire plus des bons d’alimentation pendant la phase de réhabilitation. Dans le budget de l’Etat pour cette année, 458 millions de dollars seront dépensés pour financer l’amnistie – plus que ce qui est accordé à la commission pour l’éducation fondamentale qui offre un enseignement primaire gratuit. Certains affirment que le véritable objectif de Boko Haram n’est pas un Etat islamique mais une portion du gâteau de l’amnistie. Si c’est le cas, le gouvernement devrait alors explorer cette possibilité.