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Tuesday, November 22, 2011

NIGERIA: Recul des droits des homosexuels

Au Nigeria, les groupes de défense des droits craignent que le projet de loi sur le mariage entre personnes de même sexe actuellement discuté au Parlement n'encourage la discrimination dont font déjà l'objet les homosexuels. Le projet de loi va bien au-delà de la seule prohibition du mariage entre individus de même sexe : il menace également d'interdire la formation de groupes de défense des homosexuels et d'emprisonner toute personne qui « est témoin d'une telle relation, l'encourage ou lui prête assistance ». L'adoption de la loi pourrait entraîner, à terme, l'interdiction de toute discussion ou activité liée à la défense des droits des homosexuels.

En vertu d'une loi datant de l'époque coloniale, la sodomie est passible d'une peine de 14 ans d'emprisonnement. Par ailleurs, dans les États du nord du pays, principalement musulmans, on applique une version de la charia qui prévoit la peine de mort par lapidation pour le coupable d'un tel acte. Cette disposition n'a cependant jamais été officiellement mise en oeuvre.

Début novembre, l'Assemblée nationale a commencé à débattre de la plus récente version du projet de loi sur l'interdiction du mariage entre personnes de même sexe. La plupart des hauts fonctionnaires ont dit avoir approuvé le projet, ajoutant qu'il sera probablement adopté.

L'intolérance érigée en système

Pour les analystes, le projet de loi, qui a été abandonné deux fois en l'espace de cinq ans, a pour but d'accroître la popularité d'un gouvernement dont la cote de confiance est au point mort depuis les élections d'avril dernier. La plupart des Nigérians désapprouvent fortement l'homosexualité, et nombre d'entre eux la considèrent comme une pratique importée de l'étranger et contraire aux valeurs de la société nigériane, profondément religieuse.

Une étude sur l'attitude des Nigérians envers l'homosexualité, réalisée en 2008 auprès de 6 000 personnes par l'organisation à but non lucratif Nigeria's Information for Sexual and Reproductive Rights, a révélé que seulement 1,4 pour cent des répondants se considéraient « tolérants » envers les minorités sexuelles.

En 2002, dans l'État de Jigawa, dans le nord du pays, un étudiant universitaire a été battu à mort par ses camarades à cause de rumeurs faisant état de son homosexualité.

En septembre 2008, plusieurs journaux nationaux ont publié les noms, adresses et photos d'un pasteur et des membres d'une congrégation de la ville portuaire de Lagos qui accueillait des minorités sexuelles. Quelques jours plus tard, une foule parmi laquelle se trouvaient des policiers a attaqué l'église. Des membres de la congrégation ont perdu leur emploi et leur foyer et ont été contraints de se cacher ; d'autres sont toujours victimes de harcèlement et de menaces de violence physique, a indiqué Human Rights Watch dans un communiqué.

« Au Nigeria, les pratiques homosexuelles et lesbiennes sont considérées comme une atteinte à la morale publique. Ce projet de loi est très important pour le développement du pays, car il cherche à protéger la famille traditionnelle, qui est l'unité fondamentale de la société, en particulier dans notre pays », a dit This Day, un quotidien influent, dans son éditorial du 10 novembre. « La loi rendra plus difficile l'adoption de pratiques et de modes de vie étrangers à notre pays et aux mours de la majorité de la population ».

En Afrique, les droits des homosexuels sont de plus en plus bafoués. Le militant pour la défense des droits des homosexuels David Kato a été assassiné en janvier 2011 en Ouganda. Il s'était publiquement opposé au projet de loi anti-homosexualité qui avait été soumis au Parlement en 2009.

Au Malawi, un couple gay a été emprisonné pour « grossière indécence ». Les gouvernements américain et britannique ont menacé de couper l'aide financière aux pays africains qui tentent de restreindre les droits des homosexuels.

La religion : un obstacle supplémentaire

Selon Damian Ugwu, qui milite pour la défense des droits de l'homme au sein de l'ONG Social Justice Advocacy Initiative, basée à Lagos, les leaders des principales religions du Nigeria - l'islam et le christianisme - font rarement la promotion de la tolérance envers l'homosexualité.

« Ni l'islam ni le christianisme ne sont favorables au mariage entre individus de même sexe », a dit Olusegun Runsewe, directeur général de la Société de développement du tourisme au Nigeria (NTDC, en anglais), à des journalistes le 7 novembre. « Nous devons être prudents et tout faire pour interdire cette pratique, car le mariage entre personnes de même sexe est satanique. Il peut détruire n'importe quel système et donner une mauvaise réputation à n'importe quel pays ».

D'après M. Ugwu, la désapprobation religieuse peut avoir un effet dévastateur sur les homosexuels. « L'Église ne manifeste aucune tolérance envers l'homosexualité et l'accepte seulement chez ceux qui se 'confessent' et s'en 'repentent'. Elle peut alors dire que ces personnes sont guéries et qu'elles peuvent dès lors être pardonnées ».

Selon les activistes, de nombreux homosexuels - une communauté qui présente par ailleurs un risque élevé de contracter le VIH - hésitent à fournir des informations complètes à leur sujet par crainte d'être stigmatisés. Ils sont dès lors incapables d'obtenir des services médicaux ou de recevoir un traitement adéquat.

« Des homosexuels qui ont eu le courage de révéler leur orientation sexuelle ont rapporté avoir été humiliés par le personnel médical », a fait remarquer M. Ugwu. Au moins deux homosexuels qui se sont entretenus avec IRIN sous le couvert de l'anonymat ont dit avoir peur de se rendre à l'hôpital par crainte que le personnel divulgue leur orientation sexuelle.

Des implications pour l'ensemble de la population

Selon les organisations non gouvernementales (ONG) et les activistes, le projet de loi pourrait aussi avoir de graves implications pour ceux qui ne sont pas gay. Les migrants qui viennent chercher du travail en ville sont un groupe particulièrement vulnérable. « La police nigériane, qui est déjà réputée pour ses abus de pouvoir, pourrait ainsi violer impunément les droits des personnes gay et non gay. Dans ce contexte, les jeunes hommes et les jeunes femmes, qui, pour des raisons financières, vivent souvent entre eux dans les grandes villes, deviendront des proies faciles pour les extorqueurs », a dit M. Ugwu.

« Cette loi est pernicieuse, car elle semble ne viser que les unions homosexuelles, mais constitue en fait une attaque contre l'ensemble des droits fondamentaux », a dit le porte-parole de Human Rights Watch Graeme Reid. « La définition du 'mariage entre personnes de même sexe' va jusqu'à inclure toute personne soupçonnée d'entretenir une relation homosexuelle. Et elle menace les défenseurs des droits humains en prenant pour cibles ceux qui défendent des causes impopulaires ».

Selon Unoma Azuah, auteure et militante gay nigériane, le gouvernement devrait se concentrer sur d'autres priorités. « À mon avis, c'est une manière de détourner l'attention [de la population] des vrais problèmes et un énorme gaspillage de temps et de ressources. Quel lien y a-t-il entre les actes que deux adultes consentants posent dans l'intimité et le chômage qui paralyse le Nigeria ? Alors qu'il n'existe que quelques rares grandes routes en bon état, que l'éducation est en ruine, que l'approvisionnement en électricité est extrêmement déficient et que les denrées alimentaires et le pétrole doivent être importés en grandes quantités, les législateurs sont occupés à débattre de la nécessité d'interdire les unions homosexuelles... »

Les obstacles à l'acceptation sont difficiles à surmonter. « Les homosexuels sont victimes de discrimination de la part de leur famille, des groupes religieux et de la société en général », a dit M. Ugwu. « Il est donc compréhensible que le reste de la population ne prenne pas spontanément leur défense ».

Tuesday, November 15, 2011

Nigeria: Attaques de Boko Haram - Les «fous d'Allah» font un carnage



150 morts et une centaine de blessés, c'est le lourd bilan des attaques perpétrées vendredi 4 novembre 2011 par la secte islamique Boko Haram à Damaturu, capitale de l'Etat de Yobe au Nigeria. Ces agressions violentes ont essentiellement ciblé des postes de police et des églises.

Ce même jour, ces musulmans radicaux ont aussi mené des actions kamikazes à Maidougouri dans le Borno. Si ces «fous d'Allah» version nigériane nous avaient habitué à la barbarie et aux attaques violentes, c'est bien la première fois qu'ils font autant de victimes et de dégâts en l'espace d'une seule journée.
Ce carnage est intervenu à l'avant-veille de la Tabaski et a du coup terni la célébration et le faste de cette fête du sacrifice d'Abraham. Du coup, le côté sécuritaire à pris le dessus sur l'événement religieux avec le déploiement des forces de l'ordre dans les rues et les points de rassemblement (mosquées et églises) tout au long de l'Aïd-el-Kebir ; un déploiement préventif dans un pays où l'intolérance ethnique et religieuse a pignon sur rue et où les chrétiens ont appris à rendre coup pour coup, à ne pas tendre la joue gauche lorsqu'on les gifle sur la joue droite. Alors la question que beaucoup se posent, ce n'est pas de savoir si les chrétiens vont riposter, mais quand est-ce qu'ils vont le faire.
Franchement, on ne sait plus que dire de ce pays. On avait parlé de «poudrière identitaire» en Côte d'Ivoire au début des années 2000 après les massacres intercommunautaires au temps où le concept d'ivoirité faisait rage, mais il faut reconnaître que cette poudrière est une réalité au Nigeria depuis bien longtemps et elle se manifeste de façon sporadique par des violences entre les communautés et religions. Sans doute qu'à l'échelle du Nigeria, un grand pays de plus de 160 millions d'âmes, la mort de 150 personnes peut paraître comme une goutte d'eau, mais il n'en demeure pas moins que trop, c'est trop. Et il va falloir que ceux qui sèment la mort et la désolation se ressaisissent. A considérer la longue liste des tueries et des enlèvements, on a franchement l'impression que ce peuple est en train de creuser de façon méthodique sa propre tombe. A ce rythme-là, on se demande véritablement où est-ce que l'hécatombe va s'arrêter, surtout que l'Etat fédéral ne parvient pas vraiment à endiguer, encore moins enrayer cet engrenage funeste.
Cette situation est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles le Nigeria ne parvient pas à être cette locomotive qu'il aurait dû être qui tire toute l'Afrique de l'Ouest. Au lieu de cela, le pays est devenu le théâtre d'une grande anarchie propice à tous les coups tordus aux antipodes du développement.
Pourtant, justement à cause de son gigantisme, beaucoup d'analystes politiques avaient pensé que le fédéralisme était la pierre philosophale de ce pays écartelé entre chrétiens et musulmans mais aussi entre une multitude d'ethnies à la rivalité séculaire. Cependant, aujourd'hui avec la situation qui y prévaut, on se demande bien si ce modèle politique n'est pas justement une partie du mal nigérian, eu égard à l'impuissance notoire de l'Etat fédéral à gérer et à juguler les conflits locaux qui poussent comme des champignons après la pluie.
A l'évidence, le Nigeria, à l'instar de la plupart des Etats africains, n'est pas encore une nation ; parce qu'une nation, c'est d'abord des gens qui reconnaissent leurs différences mais décident de vivre ensemble ; or là, on a des gens qui partagent le même territoire mais chacun aurait certainement souhaité avoir quelque part son petit lopin de terre pour le gérer comme il l'entend, monter son minaret ou son clocher à la hauteur qu'il veut.

Source : L’observateur Palga
Photos : Daouda Aliyou

Tuesday, November 8, 2011

Qui est Boko Haram ?

Le groupe Boko Haram -qui signifie «l'éducation occidentale est sacrilège»- milite pour l'instauration de la loi coranique, la charia, la plus stricte au Nigeria. Apparu dans ce pays en 2004, ce mouvement serait composé essentiellement d'étudiants ayant abandonné leurs études. Boko Haram se veut une version sub-saharienne des talibans afghans, mais sa vision radicale de l'islam n'est pas partagée par la majorité des musulmans nigérians. L'organisation la Jamaatu Nasril Islam a d'ailleurs condamné ses méthodes violentes.
Une série de conflits théologiques ont précédé le conflit ouvert entre le chef de Boko Haram et plusieurs théologiens de la ville, dont Ali Ibrahim Fantami et Malam Idris Abdul Aziz. Ces derniers avaient à plusieurs reprises invité Mohamed Yusuf à débattre des principes et doctrines de l'islam et l'avaient ridiculisé en raillant publiquement son manque de compréhension du Coran. Lors de l'une de ces controverses, Mohamed Yusuf, qui reconnaissait ne pas avoir été à l'école primaire, avait exprimé d'importantes réserves sur la théorie de l'évolution de Darwin, déploré que les neuf planètes du système solaire portent des noms de divinités païennes et rejeté la théorie du big bang et l'échelle des temps géologiques.
Les spécialistes de la région voient plutôt Boko Haram comme une secte, sans véritable visée politique. Les autorités nigérianes parlent de leur côté d'une organisation de fanatiques. Quant au quotidien Nigerian Tribune, il révèle que des hauts fonctionnaires du gouvernement auraient soutenu les activités de Mohamed Yusuf, le leader du groupe. Ainsi, un policier aurait frôlé le licenciement pour avoir, par le passé, osé l'arrêter. En 2008, dans une autre affaire, les services de sécurité de l'Etat avaient arrêté Yusuf, qui avait été déféré devant la justice puis acquitté en janvier 2009. Cette controverse montre bien, par son existence et au-delà de sa véracité ou pas, que la question religieuse ou confessionnelle n'est pas la seule source du conflit. Loin s'en faut.

La piste Al Qaïda : une hypothèse

Les liens déclarés de Boko Haram avec les talibans suggère un lien avec Al Qaïda. L'un des camps d'entraînement, installé à l'est, dans une zone poreuse frontalière du Niger, était même baptisé «Afghanistan». La proximité de la région avec le Sahel également. Un troisième élément remonte à 2001, quand l'Egyptien Ayman al Zawahiri prédisait que le Nigeria constituerait bientôt un nouveau front clé dans la guerre terroriste contre l'Occident.
Mais si un lien existait réellement avec Al Qaïda, pourquoi les islamistes nigérians n'ont-ils pas pris pour cibles des étrangers ? Scott Johnson relève bien qu'aucun Nigérian ne s'est retrouvé à Guantanamo, qu'il n'existe pas de fort sentiment anti-américain au Nigeria et pas de troupes américaines à proximité sur qui lancer des attaques. «L'Afrique de l'Ouest ne s'est pas révélée un terreau fertile pour le djihadisme... On n'y trouve pas de réseau islamiste régional», indique de son côté Peter Lewis, directeur du programme Afrique pour le SAIS (School for Advanced International Studies) de l'université John Hopkins. Le doute relatif à des liens avec le terrorisme international n'empêche pas l'existence de courants islamistes dont certains sont effectivement radicaux et violents. Plusieurs groupes sont apparus au Nigeria, divers et variés. Le catalogue va des wahhabites d'Arabie saoudite aux Frères musulmans égyptiens, en passant par des groupes ethnico-religieux. C'est ce qui explique que 12 Etats sur les 36 que compte le Nigeria ont adopté la charia en dix ans.
«La charia, au moins, peut revendiquer sa légitimité et sa stature morale dans une situation considérée par beaucoup comme amorale ou immorale, et où les dés sont pipés», confirme Lewis du SAIS. La seule cible de ces groupes a toujours été le gouvernement fédéral, dans la moindre revendication politique supranationale (Irak, Palestine, Afghanistan).
Le nord du Nigeria, pays le plus peuplé d'Afrique avec au moins 150 millions d'habitants, est à dominante musulmane tandis que le sud du pays est majoritairement chrétien. Le taux de pauvreté (personnes vivant avec moins de 1,25 dollar par jour) peut dépasser 70%.