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Friday, July 8, 2011

Samedi 9 juillet 2011: Sud-Soudan : Indépendance oyéééé !

Le Sud-Soudan accède, au terme d’un référendum d’autodétermination, à l’indépendance dont la proclamation officielle aura lieu demain samedi 9 juillet 2011 à Djouba, capitale du nouvel Etat. Passée l’euphorie de la souveraineté politique acquise, place aux énormes défis de développement qui attendent la cinquante-quatrième nation africaine meurtrie par deux décennies de guerre civile contre l’ancienne puissance tutélaire de Khartoum.

Vingt-deux ans de conflit. Deux millions de morts. Quatre millions de déplacés. Lourd bilan humain auquel s’ajoutent d’innombrables dommages économiques. A l’évidence, le prix payé par le Sud-Soudan pour son indépendance est l’un des plus élevés dans l’histoire des luttes d’émancipation. Pouvait-il en être autrement, au regard de la nature, par scissiparité, de l’avènement du cinquante-quatrième Etat du continent noir ?

Pour mieux comprendre cette longue et sanglante conquête de la liberté, il faut replonger dans l’histoire du Soudan, dont les péripéties politiques s’enracinent sous le terreau identitaire.

Le Soudan tire son nom de l’expression arabe « Bilad al-Sudan », en d’autres termes, l’ensemble des pays des Noirs. Sa partie Nord appartient, par la langue et la religion, au monde arabo-musulman ; sa partie Sud, animiste et chrétienne, est ancrée dans le domaine sub-saharien. Ce clivage, à la fois géographique, linguistique et religieux, associé à une domination politique s’exerçant au détriment des populations du Sud, a largement contribué au déclenchement de la guerre civile qui déchire le Soudan de manière quasi ininterrompue depuis l’indépendance acquise en 1956.

Le 19 janvier 1899 est instauré un condominium anglo-égyptien sur le Soudan. En réalité, le Royaume-Uni apparaît comme le véritable maître du pays, établissant dans le Nord une organisation administrative efficace, et favorisant le développement économique de la colonie, notamment par l’irrigation de la Gézireh (région agricole située entre le Nil Blanc et le Nil Bleu). La mainmise britannique est bien plus souple dans le Sud, placé sous l’autorité d’une poignée de fonctionnaires coloniaux, les « barons du marais » et sous l’influence des missionnaires chrétiens, autorisés par le gouvernement britannique à évangéliser les populations nilotiques.

Les Français tentent également de s’établir dans cette région : l’expédition menée par Marchand à Fachoda manque de provoquer un affrontement direct entre les deux puissances coloniales occidentales. Kitchener contraint les Français à se retirer en échange de l’abandon de leurs prétentions sur le Sahara. La pacification du Soudan a été difficile et n’est réellement achevée qu’en 1916, après l’assassinat du sultan du Darfour par des agents anglais.

Indirect rule au Nord, southern policy au Sud

A la suite de l’indépendance de l’Egypte, en 1922, le nationalisme soudanais redouble de vigueur. Il est cependant divisé entre partisans de l’intégration à l’Egypte et indépendantistes, représentés par le parti Oumma (dont le nom signifie littéralement la communauté musulmane) allié à la secte des Ansars (disciples du Mahdi).

En 1924 a lieu un premier soulèvement dans le Sud. Les Anglais choisissent alors de mener une double politique, l’« indirect rule » au Nord, les cheikhs servant d’intermédiaire entre les autorités anglo-égyptiennes et la population, et le « southern policy » au Sud. En pratique, Nord et Sud cessent toutes communications, les Anglais empêchant tout contact entre les deux parties du Soudan. Cette politique est source de frustration et de ressentiments.

Au Nord, les populations estiment que les sudistes, accusés de ne pas être de véritables nationalistes, font figure de traîtres, alors qu’au Sud les populations ont le sentiment d’être des oubliés, des laissés-pour-compte. En 1936, un traité signé par l’Egypte et le Royaume-Uni confirme la convention de 1899. Toutefois, après la Seconde Guerre mondiale, les deux pays entament des négociations afin de réviser ce traité. Le gouvernement égyptien exige le départ des Britanniques du Soudan, lesquels s’y refusent ; ils ne consentent qu’à de légères modifications institutionnelles.

En 1948 est élue une assemblée législative, dominée par les partis représentant le Nord du pays. Les députés exigent des deux puissances coloniales la création d’un gouvernement soudanais et dénoncent le condominium. En octobre 1951, Farouk d’Egypte se proclame unilatéralement roi du Soudan. Après que le souverain eut été contraint d’abdiquer par le général Néguib, le Soudan se voit reconnaître, en 1952, le droit à l’autodétermination.

La « soudanisation » du pays

De nouvelles élections législatives ont lieu à la fin de l’année 1953. Le parti démocratique unioniste, pro-égyptien, et le parti Oumma remportent la majorité des sièges, ce qui entérine la marginalisation des partis politiques du Sud. La formation d’un gouvernement « entièrement » soudanais, composé pour l’essentiel de représentants du Nord, en janvier 1954, marque le début de la « soudanisation » du pays, qui crée un contexte favorable à un affrontement civil entre les populations du Nord, musulmanes, et celles du Sud, chrétiennes et animistes. Celui-ci éclate dès août 1955. Conduits par le mouvement Anya-Nya, les Sudistes revendiquent la création d’un Etat distinct. Ils reçoivent le soutien des Etats-Unis, d’Israël, de l’Ouganda et de l’Ethiopie.

La République (unitaire) du Soudan, reconnue immédiatement par l’Égypte et le Royaume-Uni, appuyée par l’Union soviétique dans sa lutte contre le Sud sécessionniste, est officiellement instaurée le 1er janvier 1956. Le Soudan devient membre de la Ligue arabe le 19 janvier et des Nations unies le 12 novembre de la même année.

Les élections législatives de 1958 donnent la majorité au parti Oumma. Toutefois, l’armée se révolte et porte au pouvoir le général Ibrahim Abboud, favorable à une intensification des relations avec l’Egypte. Sa démission, intervenue en 1964 après une violente révolte estudiantine, permet le rétablissement provisoire de la démocratie, mais ne modifie en rien la politique menée à l’égard du Sud.

Après la guerre israélo-arabe de 1967, la diplomatie du pays s’affirme résolument pro-arabe. En 1969, un groupe d’officiers, avec à sa tête le général Djafar al-Nemeiri, prend le pouvoir et installe un gouvernement placé sous l’autorité d’un conseil révolutionnaire. Le nouveau régime réprime le mouvement fondamentaliste des Frères musulmans et le parti Oumma, se rapproche des Etats-Unis et de l’Egypte (il est le seul pays de la région arabo-musulmane à soutenir l’accord de paix avec Israël) et négocie un cessez-le-feu avec les sécessionnistes du Sud, auxquels l’autonomie est accordée.

En juillet 1971, une tentative de coup d’Etat imputable à des officiers communistes échoue. Le général Nemeiri en profite pour décapiter le Parti communiste soudanais (le plus puissant d’Afrique), opère des milliers d’arrestations et fait exécuter des opposants, parmi lesquels Joseph Garang, l’ancien ministre des Affaires du Sud et le secrétaire général du parti, Abd al-Khaliq Mahjoud.

Confirmé à la tête de l’Etat en 1972, réélu pour un troisième mandat en avril 1983, Nemeiri, confronté à la faillite de l’économie soudanaise, renoue avec les Frères musulmans, qui entrent au gouvernement, et fait appliquer la loi islamique (la charia). Le Sud, où, depuis le cessez-le-feu de 1972, les investissements étrangers affluent, est divisé en trois provinces.

Les Sudistes se rebellent de nouveau, refusant ce découpage géographique et l’entrée en vigueur de la charia. Ils sont désormais rassemblés au sein d’une seule armée, l’Armée populaire de libération du Soudan (APLS), dirigée par le colonel John Garang et soutenue par les Etats-Unis d’Amérique. Ce sera le début de la seconde guerre civile qui embrasera le pays pendant 22 ans.

Instauration de la charia

Malgré la scission de son mouvement en 1991, John Garang maintient la lutte contre le pouvoir de Khartoum qui, après le coup d’Etat du général Omar el-Béchir en 1989, s’orienta de plus en plus vers l’idéologie islamiste insufflée par le cheikh Hassan al-Tourabi.

Après un conflit sanglant (deux millions de victimes) un cessez-le-feu est signé entre les protagonistes en 2002, consolidé en janvier 2005 par l’accord de paix de Naivasha, au Kenya.

Tandis que la guerre se poursuit dans le Darfour, les négociations entre le gouvernement et la rébellion sudiste de l’Armée populaire de libération du Soudan (SPLA), aboutissent le 9 janvier 2005 à la signature d’un accord de paix global et final à Nairobi (Kenya).

Cet accord, qui met fin à un conflit ayant fait deux millions de morts et quatre millions de déplacés, prévoit une période d’autonomie de six ans, suivie d’un référendum d’autodétermination pour la population du Sud. Il définit un partage du pouvoir et des richesses : John Garang devient le premier vice-président du Soudan le 9 juillet 2005, tandis que le SPLA se voit attribuer la moitié des ressources, essentiellement pétrolières.

Mais le décès de John Garang, seulement quelques semaines plus tard, dans un accident d’hélicoptère, provoque des émeutes violentes. Salva Kiir lui succède à la tête du Mouvement populaire de libération du Soudan (SPLM), la branche politique du SPLA. Toutefois, la normalisation politique se poursuit, et au mois de septembre suivant, un gouvernement d’union nationale est formé, pour la première fois dans l’histoire du Soudan.

Le référendum d’autodétermination organisé du 9 au 15 janvier 2011 consacre l’indépendance du Sud-Soudan avec environ 99% de OUI.

Demain samedi 9 juillet 2011, à Djouba, la proclamation officielle de cette accession à la souveraineté nationale, en présence de plusieurs chefs d’Etat et de gouvernement, marquera la fin d’une longue et sanglante évolution vers l’émancipation. Elle marquera aussi l’entame d’une autre bataille : celle de la construction de l’avenir d’un nouvel Etat.

Le jeune Etat face à son destin

L’indépendance du Sud-Soudan intervient au moment où les Etats subsahariens viennent de commémorer, sur fond de désenchantement, le cinquantenaire de leur accession à la souveraineté politique.

Les nouvelles autorités sud-soudanaises parviendront-ils, quant à elles, à transformer l’essai. C’est-à-dire à faire de cette indépendance politique un tremplin à la lutte pour le développement socio-économique ? A priori, tout force à l’optimisme, au regard des potentialités du pays.

Situé dans l’une des régions les plus pauvres de la planète selon les indicateurs du PNUD, le Sud-Soudan dispose d’importants atouts pour réussir le pari du développement.

Son climat, tropical, et la présence du Nil blanc sont favorables à la culture de plusieurs produits vivriers et commerciaux comme le sorgho, le mil, le manioc, les patates douces, le coton, le blé, la gomme arabique, l’arachide, le sésame et les bananes.

Son sous-sol, riche en pétrole (85% de la production soudanaise actuellement) regorge de minerais de fer, de cuivre, de chrome, de zinc, de tungstène, de l’argent et de l’or.

Autant de richesses naturelles à même de permettre aux nouvelles autorités de faire face aux nombreuses tâches qui les attendent. Notamment les problèmes humanitaires et de développement telle la construction d’écoles, d’hôpitaux et d’infrastructures socio-économiques.

Encore faut-il que le pouvoir de Khartoum, désormais privé de ce qui fut naguère sa vache laitière taillable et corvéable à souhait, ne joue au trublion.

Mais au jeune Etat de ne pas prêter le flanc, faute de savoir dominer les contradictions de tous ordres qui ne manqueront pas de surgir.

Que se passe-t-il vraiment en Libye ?

Sous l’épaix brouillard de la guerre, la tragédie en cours en Libye se transforme en une guerre de sigles qui dépeint graphiquement les confuses "douleurs de l’enfantement" du nouvel ordre mondial qui se dessine.

D’un côté il y a l’OTAN, l’organisation du traité nord atlantique) et LA (la ligne Arabe) ; de l’autre l’Union Africaine (UA) et le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). On peut aussi dire que l’occident atlantiste et ses alliés arabes dans la contre-révolution se retrouvent contre l’Afrique et les pouvoirs économiques émergents de la planète.

Des mensonges, des mensonges et encore des mensonges

On a entendu beaucoup de grognements en provenance du Congrès étasunien à propos de la Libye -qui concernaient des aspects techniques de la loi sur les pouvoirs de guerre (War Powers Act). En deux mots, les législateurs étasuniens ont refusé jusqu’à présent d’autoriser ce qui ressemble comme deux gouttes d’eau à une guerre (mais qui selon la Maison Blanche n’est pas une guerre). Ils refusent de voter des fonds pour un investissement plus important des USA dans cette aventure de l’OTAN ; mais les fonds continueront d’affluer quand même.

Les contorsions sémantiques concernant la tragédie libyenne ont déjà largement dépassé le niveau habituel, et elles laissent à penser qu’en réalité les drones étasuniens vont continuer à se joindre aux avions de combat de l’OTAN pour bombarder les civils de Tripoli.

A part Vijay Prashad de Trinity College dans le Connecticut, peu de gens en Occident ont remarqué ce que le premier ministre chinois Wen Jiabao a dit de tout cela. Dans un article d’opinion du Financial Times du 23 juin intitulé "Comment la Chine projette de renforcer la reprise mondiale" Wen a déclaré que la Chine était prête à exercer son pouvoir politique dans MENA (Moyen Orient/Afrique du nord) par l’intermédiaire des BRICS.

Beijing n’est pas particulièrement content d’avoir été obligé d’abandonner ses importants investissements énergétiques en Libye -plus de 30 000 ouvriers ont été évacués en seulement deux jours ; il veut demeurer un acteur central quoiqu’il arrive en Libye.

Le ministre russe des affaires étrangères, de son côté, a déjà souligné que "la destruction physique de [Mouammar] Kadhafi et de sa famille soulève de sérieux doutes". La fille de kadhafi, Aisha, fait un procès à l’OTAN à Bruxelles pour le meurtre de sa fille, Mastoura, son frère et les autres petits-enfants de Kadhafi.

Donatella Rovera, une conseillère de crise d’Amnistie Internationale bien connue, a dit qu’après avoir enquêté pendant trois mois en Libye, elle n’avait trouvé aucune preuve que les troupes libyennes avait commis des viols massifs (bien que ce soit un fait avéré pour la Cour Criminelle Internationale).

Amnistie n’a pas non plus trouvé de preuves que des mercenaires d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique centrale combattent les "rebelles". Selon Rovera, ceux qui ont été présentés aux journalistes comme des mercenaires étrangers ont été ensuite discrètement relâchés.... La plupart étaient des immigrants sub-sahariens qui travaillaient en Libye sans papiers. Certains d’entre eux ont toutefois été lynchés voire exécutés. La Cyrénaïque a toujours fait preuve de racisme envers les Africains noirs.

Les civils ont été bombardés à la fois par l’armée libyenne et par l’OTAN. Pourtant il n’y a aucune évidence que les forces aériennes libyennes aient bombardé massivement les villes "rebelles" ; et pas d’évidence non plus d’assassinats massifs de civils comparables à ceux de Syrie ou du Yemen. Bref, le régime de Kadhafi s’est peut-être livré dans le passé à la répression brutale de toutes sortes d’oppositions mais il n’a pas commis de génocide. Cela enterre les arguments des faucons humanitaires en faveur de la guerre six pieds sous terre.

L’hypocrisie règne. La Cour Criminelle Internationale accuse Kadhafi et son fils Saif al-Islam -celui qui était le chouchou de l’Ecole d’Economie de Londres- et le tsar des services secrets Abdallah al-Senoussi de "crimes contre l’humanité" alors que l’odieuse dictature de Burma/Myanmar et les al-Khalifa du Barhein ne sont pas le moins du monde inquiétés.

Dans le doute, balkanise

Il faut être une petite souris dans les halls immenses de l’OTAN près de Bruxelles, pour voir à quel point l’essaim de bureaucrates militaires qui y bourdonne est imperméable à la réalité. L’OTAN continue de croire qu’il a "gagné" la guerre contre Slobodan Milosevic ne bombardant la Serbie pendant 78 jours en 1999. Ce qui en fait a "gagné" la guerre c’est le fait que Milosevic ait perdu le soutien politique de la Russie.

Après plus de 100 jours de bombardements sur la Libye, avec 12 000 sorties et 2 500 objectifs, l’OTAN continue de prétendre qu’il "gagne". Bien sûr, exactement comme il "gagne" en Afghanistan.

Les éléments de langage dominent l’information dans le contexte d’une guerre sans merci de désinformation. L’OTAN refuse d’admettre que la libération humanitaire de la Libye qu’il envisage passe par un changement de régime, ce qui n’est pas autorisé par la Résolution 1973 de l’ONU.

Les USA de leur côté ont déconnecté la télévision libyenne du satellite Arabsat -dont la Libye est un partenaire financier. Le nouveau représentant libyen à l’ONU n’a pas obtenu de visa étasunien. Cela signifie que seule l’équipe suspecte et disparate des "rebelles" a accès aux médias internationales de langue anglaise.

En dépit de "la précision des bombardements" si vantée, l’OTAN perd au moins un missile sur 10. Cela explique l’augmentation des "dommages collatéraux". Les objectifs ne sont pas seulement militaires ; ils sont de plus en plus économiques comme par exemple l’hôtel de la monnaie libyen qui imprime les dinars.

Il n’y a pas de soulèvement national contre le régime. La Tripolitaine -la Libye de l’ouest- s’est ralliée à Kadhafi ; De toute évidence, il est considéré comme le défenseur du pays contre une attaque néo-coloniale étrangère.

Quant à ceux de Benghazi qui croient que l’opportuniste, néo-napoléonien Nicolas Sarkozy les aime tant qu’il veut les "libérer" à coups de Rafales, ils sont considérés comme des gogos, sinon des traîtres.

Les Djihadistes d’al-Qaeda d’Afrique du nord pour leur part s’amusent comme des fous à manipuler l’OTAN pour arriver à leurs fins - se livrer de temps en temps à un lynchage ou une amputation traditionnelle dans l’endroit "libéré" de leur choix.

Le mélange d’arrogance et d’incompétence de l’OTAN mène inévitablement à une balkanisation de la Libye -un scénario que le site Asia Times avait prédit. Considérant que presque deux millions de fusils mitrailleurs ont déjà été distribués à la population et que l’OTAN va finir par intervenir sur le terrain -la seule manière d’obtenir une "victoire" décisive- on peut s’attendre à des combats de rue très meurtriers.

Un nouveau protectorat de l’OTAN

La Libye est déjà un cas d’école de pillage néo-colonial post-moderne.

La "victoire" de l’OTAN signifie en réalité que la Cyrénaïque deviendra une république indépendante -même si les "rebelles" préféreraient restaurer la monarchie (le candidat peut à peine cacher son impatience à Londres). Il se trouve que c’est aussi ce que l’Arabie Saoudite et le Qatar -les principaux adeptes du changement de régime- veulent.

Le futur émirat "indépendant" de l’est libyen a déjà été reconnu par quelques pays, dont la France de Sarkozy. Rien d’étonnant à cela ; il est déjà considéré comme un protectorat de l’OTAN. Le très douteux conseil de transition ne veut même pas qu’on connaisse ses membres -des transfuges opportunistes, des recrues des services secrets des USA, des religieux liés aux Djihadistes.

De plus des milliards de dollars d’actifs libyens ont déjà été saisis -illégalement- par les USA et l’Union Européenne. Et le Qatar est en train de vendre une partie de la production nationale du pétrole libyen.

Cette guerre de l’OTAN qui ne dit pas son nom n’a absolument rien à voir avec RdP (responsabilité de protéger), le nouvel évangile des faucons humanitaires qui font marcher le droit international sur la tête. Les civils ne sont pas protégés mais au contraire bombardés à Tripoli. Il y a un problème de réfugiés -la conséquence directe de la guerre civile. Malgré les supplications répétées de la Turquie et de l’UA, les faucons humanitaires ne se sont même pas donné la peine d’organiser un corridor humanitaire vers la Tunisie et l’Egypte.

La seule manière de s’en sortir est un cessez le feu qui mette l’OTAN hors jeu. Le contrôle sur le terrain serait confié aux casques bleus de l’ONU -composés de préférence d’Africains. l’Occident n’a absolument aucune crédibilité comme médiateur ; les Africains seraient les premiers à s’y opposer. Donc il resterait la ligue arabe et l’Union Africaine.

la ligue arabe est pro-Benghazi. En fait un vote arabe truqué (seulement 9 des 22 pays ont voté, et sur ces 9, 6 font partie du club des contre-révolutionnaires du Golfe connu aussi sous le sigle CCG), manipulé par l’Arabie Saoudite, a permis l’approbation arabe de ce qui est devenu la résolution 1973 ; en fait c’était un marchandage en échange duquel la Maison de Saoud** a eu les mains libres pour réprimer les manifestations pro-démocratiques du Barhein comme Asia Times l’a relaté. (Voir Exposed : The US/Saudi deal, sur le site Asia Times, 2 avril).

L’Union Africaine a été dédaignée avec constance par le consortium Anglo-Franco-Etasunien du changement de régime -même après qu’elle ait obtenu l’engagement de Kadhafi de négocier. L’UA se réunit à nouveau ce jeudi en Guinée équatoriale. Le président de la commission de l’UA pour la Libye -le Président de la Mauritanie, Mohamed Abdel Aziz- a déjà dit officiellement que Kadhafi "ne peut plus gouverner la Libye- ce qui est un pas en avant considérable pour l’UA.

Mais cela ne signifie pas que l’UA -à la différence de l’OTAN et des "rebelles" veut une changement de régime tout de suite. Le départ de Kadhafi devra être la conséquence naturelles de négociations circonstanciées. En un mot, l’UA a un plan pour solutionner le problème ; l’OTAN a des bombes. Et les BRICS, surtout la Chine, la Russie et l’Afrique du Sud préfèrent la stratégie de l’UA.

Il faut pourtant s’attendre à ce que le consortium USA/OTAN se batte à mort. Pour des raisons évidentes -toutes en lien avec la doctrine éternelle et immuable de la domination absolue à quoi s’ajoute une intrigue secondaire, le nouveau concept stratégique de l’OTAN adopté à Lisbonne en novembre 2010 ( voir Welcome to NATOstan sur le site Asia Times, 20 novembre 2010).

La définition de l’OTAN du mot "gagner" implique que Benghazi devienne le nouveau Camp Bondsteel -le plus grand camp militaire étasunien d’Europe qui se trouve être en même temps l’état "indépendant" qui porte le nom de Kosovo. La Cyrénaïque est le nouveau Kosovo. C’est le règne de la balkanisation.

C’est un scénario de rêve pour le couple OTAN/Africom. Africom obtient la base africaine qu’il désirait tant (le quartier général actuel est à Stuttgart en Allemagne) après avoir participé à sa première guerre africaine. L’OTAN avance son projet primordial de faire de la Méditerranée le lac de l’OTAN. Après l’Afrique du nord il ne restera plus autour de la Méditerranée que deux gêneurs à "éjecter" : la Syrie et le Liban. Le nom de ce jeu n’est pas Libye, c’est Longue Guerre.