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Sunday, February 20, 2011

Hafiz Ringim, inspecteur général de la police

«La police nationale est corrompue»

Après avoir servi dans plusieurs Etats de la fédération nigériane, Hafiz Ringim a été nommé à la tête de la police nationale en tant qu’inspecteur général en octobre 2010. Hélas, il prend ses nouvelles fonctions au moment où l’insécurité gagne tout le Nigeria à l’approche des élections
générales d’avril 2011. Mais Hafiz Ringim, originaire duNord du Nigeria et homme de terrain, estime qu’il est à la hauteur du défi en promettant des élections sans violences. Quel est son secret? C’est ce qu’il dévoile dans l’entretien exclusif qu’il a bien voulu accorder, depuis Abuja, à Notre Afrik…

Propos recueillis par Daouda Aliyou

Notre Afrik: Nous sommes à
deux mois des élections générales
d’avril. Comment vous préparezvous
pour relever le défi, sachant
que les scrutins précédents ont
été émaillés de violences et surtout
de vol d'urnes?

Hafiz Ringim: La police nationale a déjà
fait ses recherches sur les causes des violences
électorales. Et nous avons remis
nos recommandations au chef de l’Etat. Je
vous rassure que nos recommandations
ont été approuvées. Au moment où je
vous parle [L’interview a été recueillie à
la mi-janvier, NDLR], je suis déjà en possession
de 70% des fonds requis. Les indemnités
et la logistique dont nous avons
besoin pour ces élections ont été également
approuvées par le président de la
République. Ce qui témoigne du sérieux
avec lequel le gouvernement prépare ces
scrutins.
Pour sa part, la police a constitué une unité
spéciale composée de plus de 10 000
hommes déjà formés pour ces élections.
De même, les Nations unies, le gouvernement
britannique, le gouvernement américain
et le Japon m’ont contacté pour me
proposer de former nos officiers pour ces
scrutins. Ils seront tous au Nigeria pour
nous venir en aide à cette occasion. En
plus, j’ai mobilisé toutes les agences de
sécurité du pays pour des concertations
régulières en vue de ce grand événement
que sont les élections générales d’avril
prochain. Je profite donc de l’occasion pour dire
que nous avons entamé une reforme en
notre sein, afin de séparer les mauvais
grains des bons. Pour ce faire, - les Nigérians
peuvent en être rassurés -, la police
sera présente dans les 774 administrations
locales que compte le pays et à
chaque bureau de vote. Comme vous le
savez, les soldats seront en stand by dans
certaines zones à risque. Les agents de la
douane, de l’immigration, de la sécurité
routière et les sapeurs pompiers seront
tous là pour nous donner un coup de
main. Nous avons commencé à organiser
des séminaires en vue d’harmoniser nos
efforts afin de relever le défi. Nous avons
d’ailleurs annoncé les couleurs avec le
congrès électif du plus grand parti du
pays, le Parti démocratique du peuple
(PDP, au pouvoir), qui s’est déroulé en
janvier sans le moindre incident.


Vous aviez également servi dans
le sud-est du pays, où les enlèvements
sont devenus un marché
lucratif. Quelle est, selon vous,
la cause de ce fléau et comment
comptez-vous y mettre fin?

Vous conviendrez avec moi que ce fléau
dure depuis des années. C’est dommage
que la police connaisse un déclin depuis
une longue période. Nous allons essayer
de redresser la situation mais, franchement,
cela ne sera pas facile. Cela va
prendre du temps et je demande à la
population d’être patiente avec nous. Le
gouvernement a mis à notre disposition
les fonds nécessaires, nous avons les
hommes qualifiés et la volonté y est.
A vrai dire, c’est la corruption qui est à
l’origine de ce fléau. Si les commissaires
de police affectés dans les Etats du Sud, où
le kidnapping est en vogue, surveillaient
bien leurs agents, on n’en serait pas là aujourd’hui.
C’est pourquoi nous sommes
en train de remanier tous les départements
de la police nationale. Nous allons
bientôt finir avec cette réforme qui nous
permettra de voir qui est utile, qui ne l’est
pas et qui fait quoi. En tout cas, il y aura
plusieurs affectations et des licenciements.

Vous êtes donc d’avis que la police
nigériane est corrompue…

L’indice de corruption montre que la position
du Nigeria, au lieu de s’améliorer, a
plutôt chuté. C’est vous dire que c’est un
fléau collectif pour ne pas dire national.
On doit donc ensemble lutter contre cette
gangrène. Pour ma part, je ferai de mon
mieux pour lutter contre la corruption
au sein de la police nationale. Je reconnais
toutefois que la police nationale est
corrompue.

Dans l’ensemble, que comptezvous
faire pour repositionner la
police nigériane très mal vue par
la population?

Un comité de réforme a été mis en place
afin de lutter contre la corruption au
sein de la police nationale. Des adjoints
aux commissaires seront nommés pour
être en charge des six zones géopolitiques
du pays. Ils auront les fonds, la
logistique et le soutien nécessaires pour
travailler. Je convoque régulièrement les
chefs des différents départements de la
police pour discuter des voies et moyens
de redonner à la police sa gloire d’antan.
Il faut reconnaître que la population ne
fait plus confiance à la police. Ce qui
n’était pas le cas en notre temps où tout
le monde enviait les policiers. Cependant,
nos efforts n’aboutiront pas si les
Nigérians en général ne tournent pas le
dos à la corruption.
On doit donc ensemble lutter contre cette
gangrène. Pour ma part, je ferai de mon
mieux pour lutter contre la corruption
au sein de la police nationale. Je reconnais
toutefois que la police nationale est
corrompue.

Quand vous dites que la police
nigériane est corrompue, à quoi
faites-vous allusion précisément?

Depuis que j’ai été nommé à la tête de
la police il y a quelques mois, j’ai vu des
choses incroyables. Depuis que je suis là,
des entrepreneurs et des fonctionnaires
sont venus me voir pour me dire qu’ils
veulent m’aider, en me proposant des
équipements sans valeur qui n’ont rien à
voir avec la police. On m’a même demandé
de payer des factures qui datent de
plusieurs années, en me proposant 50%
du montant total. Des entrepreneurs
m’ont proposé des excursions aux Etats-
Unis et en Europe à leurs frais, avec des
millions de nairas (la monnaie nigériane,
NDLR) comme argent de poche. Récemment,
au cours d’une vente aux enchères,
quelqu’un est venu me dire qu’on a réservé
un certain nombre de véhicules pour
moi. Ce sont toutes ces pratiques frauduleuses
qui ont ruiné la police nationale.

Il y a aussi le problème de racket
et les barrages illégaux que
dressent vos hommes sur les
voies…

J’ai été informé de la situation, je ne dirai
pas que c’est faux. Mais tout le monde est
coupable parce que s’il n’y a pas de donneur,
il n’y aura pas de preneur. Si vous
tenez compte de ce que j’ai fait pour lutter
contre la corruption dans l’Etat d’Abia,
dans le Sud-est, vous devriez être d’accord
avec moi qu’on peut redresser la situation.
D’ailleurs, j’ai commencé à résoudre
le problème des barrages illégaux. J’ai
donné mes numéros de téléphone à certains
chauffeurs de camions et taxis pour
m’appeler si un policier les arrête sans
raison valable ou s’il demande de l’argent.
Comme vous le voyez, j’ai besoin de la
collaboration de tous pour réussir.


Puisque vous pensez être prêts
pour les scrutins à venir, que
faites-vous contre l’insécurité
qui a atteint un niveau inquiétant
dans le pays avec les violences
religieuses au Nord, où
la secte «Boko Haram» sème
la terreur, les affrontements
intercommunautaires au centre
et les attentats à la bombe de ces
derniers temps?

Vous avez raison, il y a de l’insécurité
dans le pays. Permettez-moi de prendre
un cas particulier, celui de la secte islamiste
«Boko Haram». Entre 2000 et 2002,
lorsque les bandits à main armée semaient
la terreur dans le nord-est du pays,
les gens disaient qu’il s’agissait des Tchadiens,
Nigériens, en somme des étrangers.
Mais quand j’ai été nommé commissaire
de police à Yola, la capitale de l’Etat d’Adamawa,
où j’ai servi pendant quatre ans,
aucun étranger n’a figuré parmi tous les
suspects que nous avions interpellés. Je
ne rejette pas totalement l’hypothèse
selon laquelle des étrangers font partie
du groupe «Boko Haram», mais la vérité
est que la majorité des membres de cette
secte sont nos compatriotes. L’effondrement
du système d’agence secrète et d’intelligence
dans le pays et surtout au sein
de la police est à l’origine de l’émergence
de «Boko Haram» et des autres formes de
violence au Nigeria.
C’est vraiment honteux et scandaleux
de constater que deux ans après les premières
attaques menées par la secte
«Boko Haram» au Nord du pays, on est
incapable de localiser leur base, leurs parrains
et leur source d’approvisionnement
en armes. Depuis deux mois, nous menons
des enquêtes dans ce sens. Il y a des
lueurs d’espoir à l’horizon. Je suis également
en train de remanier la cellule d’intelligence
de la police dans ce sens, parce
que tout ce que nous vivons aujourd’hui
est vraiment embarrassant pour le pays.
Je promets aux Nigérians que nous y parviendirons
très bientôt.

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