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Wednesday, November 3, 2010

Nigeria : la médecine traditionnelle se porte bien

Au Nigeria, la médecine traditionnelle se modernise et affiche une belle santé. Ses praticiens sont désormais identifiés et formés et leurs préparations, certifiées, après avoir été conditionnées en laboratoire. Confrontés aux faux médicaments, de plus en plus de clients y viennent.
Au Nigeria, la médecine traditionnelle a le vent en poupe. Partout dans cet immense pays, le nombre de clients et de points de vente augmente. Cette évolution résulte de la formation en Chine et en Inde de tradipraticiens nigérians et de l’importation de matériels modernes qui, depuis les années 1990, permettent de transformer les matières premières brutes (racines, écorces, feuilles) en gélules, comprimés, etc. Des pharmaciens traditionnels disposent aujourd’hui de petits laboratoires où ils testent et fabriquent leurs spécialités. Ces produits répondent ainsi "aux normes internationales et à l’exigence des gens friands de médicaments naturels plus pratiques", explique un thérapeute traditionnel.
Conscient de l’importance économique et sociale de ces activités, le gouvernement nigérian a créé, en 2008, une agence de développement de la médecine traditionnelle. La Nigeria natural medecine developpement agency a d'abord recensé les opérateurs de ce secteur dont elle a aussi évalué les besoins. Et, cette année, elle a proposé au gouvernement de mettre en place des laboratoires de transformation à grande échelle de plantes (feuilles, écorces, racines, etc.)

"Ces innovations nous rassurent"

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 80 % des Nigérians ont eu, en 2008, recours à cette médecine, qui utilise des substances végétales, animales et minérales, assorties de traitements spirituels. Héritage culturel maîtrisé au départ seulement par une poignée d’initiés, elle est exercée aujourd’hui par des milliers de Nigérians. L’adhésion à l’association des tradipratitiens (active dans chacun des 36 États de la fédération) et une bonne moralité sont requises pour exercer. Les tradithérapeutes sont formés dans des instituts spécialisés dont le plus connu est l'Iris College of natural medecine, créé à Lagos en 2007. Les formateurs sont des professeurs en médecine et en pharmacie, imprégnés de la tradition et ayant une bonne connaissance des vertus des plantes.
Le psychologue nigérian Paul Anayo explique ce retour aux sources par le déclin du système médical moderne (sous-équipement des hôpitaux, fuite des cerveaux), mais aussi par la quantité importante de médicaments contrefaits qui circulent au Nigeria. Dans ce pays où, selon les données récentes de la Banque mondiale, 70 % de la population vit avec moins d’un dollar par jour, la consommation de faux médicaments bon marché endeuille nombre de familles. Lors d’une réunion sous-régionale des douaniers sur la contrefaçon, tenu récemment à Cotonou, au Bénin, le directeur général des douanes de ce pays a révélé que "près de 80 % des médicaments qui circulent en Afrique de l’Ouest sont contrefaits". Au mieux inefficaces, la plupart sont dangereux en raison de leurs effets secondaires.
Les Nigérians estiment que leurs tradipraticiens ont des pouvoirs surnaturels qui leur permettent de diagnostiquer facilement différentes maladies. Plus rationnelle, l’Agence nationale de contrôle des aliments et des médicaments (Nafdac), certifie, depuis 2001, la composition des médicaments et leur mode d’administration. "Ces innovations nous rassurent", indique un client. La Nafdac estime que la certification des médicaments traditionnels a permis à l’État d'engranger plus de 30 millions de $ en 2007.

Un moteur de l’économie nationale


Pour Anselme Adodo, directeur de Pax Herbal Clinic and Research Laboratries, un cabinet traditionnel de soins, cette médecine est parfois mieux adaptée à certains cas, car, selon lui, toutes les maladies ne sont pas naturelles. Certaines résulteraient d'actes de sorcellerie. "Voila pourquoi des praticiens modernes orientent souvent vers nous des cas dont le traitement sort de leur champ d’action", explique-t-il.
Kayodé Farouk, un thérapeute traditionnel, rappelle que ces remèdes naturels ont longtemps été considérés comme réservés aux pauvres. Mais, ils sont plus prisés depuis qu'ils sont présentés comme des médicaments modernes, d'un emploi plus facile. Conséquence, les affaires marchent pour les tradipraticiens qui, aux dires de certains d'entre eux, font partie du club des millionnaires. C’est le cas de Olajuwon Okubena, propriétaire du cabinet Health Forever qui estime à 100 millions de nairas (plus de 470 000 €) son revenu annuel.
Pour le président de l’Association nationale des pharmaciens modernes, Anthony Akhimien, le Nigeria ne fait que profiter du succès des médicaments à base de plantes, en vogue dans le monde entier, en particulier aux États-Unis et en Europe. "Si le gouvernement soutient cette industrie, estime-t-il, elle pourrait constituer un moteur de l’économie nationale comme dans d’autres pays."

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