Les très nombreuses Eglises évangéliques et organisations religieuses du Nigeria, privées de diffusion télévisée depuis 2004, attirent aujourd'hui les fidèles en les aidant à créer des activités économiques ou en les employant dans leurs entreprises. Une stratégie qui rapporte à tous.
À qui lui demande le secret de sa réussite, le Nigérian Jerry Nwachuku répond sans hésiter : "À mon Église, Christ Embassy". En juillet dernier, ce chrétien évangélique, tailleur de profession, a reçu de son Église un crédit de 300 000 nairas (1830 €) remboursable sur dix-huit mois, afin d’ouvrir un atelier de couture. "C’était au cours d’une séance de prêts sans intérêt aux fidèles désireux de monter leurs propres affaires, continue-t-il, enthousiaste. Cinq mois après, ça roule bien pour moi et ma foi en est fortifiée !" Jelilat Rasheed, une musulmane, handicapée physique, affiche la même satisfaction. Grâce à l’organisation islamique Nasir-Ulahi-Il-fathi Society of Nigeria (Nasfat), cette ancienne mendiante à Lagos, la métropole économique, est devenue, depuis un peu plus d’un an, une vendeuse de Nasmalt, une boisson non alcoolisée produite par Nasfat. "Aujourd’hui, je gagne assez d’argent pour subvenir à mes besoins", se réjouit-elle.
Comme eux, nombreux sont les chrétiens et les musulmans nigérians à apprécier l’amélioration de leurs conditions de vie grâce au soutien de leur Église ou confrérie religieuse. Ces témoignages élogieux s’expliquent par la nouvelle stratégie mise au point par différentes confessions, notamment les milliers de sectes et Églises évangéliques, pour garder leurs fidèles et en recruter de nouveaux.
"La pauvreté est un péché"
Jusqu’en 2004, la plupart d'entre elles payaient les chaînes de télévision pour retransmettre leurs séances populaires de prêches et de miracles. Très efficaces, ces émissions attiraient les foules. Dans ce pays de 150 millions d’habitants, le plus peuplé d’Afrique, avec un taux de chômage supérieur à 40 % selon la Nigeria Directorate of Employment (Nde), l’agence de l’emploi, les gens, nombreux à vivre avec moins d’un dollar par jour, sont sensibles aux promesses d’une vie éternelle et de guérison miraculeuse. Mais les dérives (escroqueries massives au profit des pasteurs, prostitution, envoûtements…) trop fréquentes ont, en 2004, poussé le gouvernement fédéral à suspendre la diffusion télévisée des prédications et des séances de miracles et à n’autoriser que la retransmission des émissions religieuses éducatives.
Du coup, les pasteurs et gourous, dont plusieurs sont de "super riches" selon le sociologue Faith Oluwaremilekun Kajola, ont changé de stratégie. "Accusés de s’enrichir sur le dos des fidèles, ils ont décidé de prouver le contraire en aidant leurs fidèles à prospérer", analyse Agunbiade Olorungbebe, psychologue. Bien conscient aussi qu'en augmentant leurs revenus, ils accroissent aussi les leurs…
Ainsi, dans ses sermons, Enoch Adeboye, chef du The Redeemed Christian Church of God (Rccg), encourage ses fidèles à "avoir le sens des affaires". David Oyedepo, du Living Faith Church Worldwide alias Winners Chapel, assène : "La pauvreté est un péché, voire une malédiction qu’on doit rejeter". Les Églises multiplient ainsi les séminaires de formation sur la gestion et la création d’entreprises. "En février dernier, j’ai assisté à un de ces ateliers, témoigne le photographe Messiah Ngozi, du Truth Foundation Pentecostal Church. J’en ai tiré des idées qui m’ont permis de mettre en place en juin un studio moderne qui emploie cinq agents."
‘’Il y a maintenant de l’ordre et du sérieux…’’
Les Églises investissent aussi dans la création d’entreprises, une autre manière de gagner de l'argent. Winners Chapel, qui détient 500 ha à Otta (60 kilomètres de Lagos), dispose actuellement de diverses structures - université, restaurants, imprimerie, etc. - qu’animent plus de 1 300 employés, tous ses adeptes. Quant à Rccg, elle a créé en 2005 Dove Media, une agence de communication et de publicité prospère. Emboîtant le pas aux chrétiens, Nasfat a ouvert, fin 2005, Tasfan Beverages Limited, une brasserie qui produit Nasmalt.
Outre l’afflux des fidèles, les Églises et organisations religieuses suscitent aujourd'hui de plus en plus de sympathie dans l’opinion publique. "Elles contribuent au développement économique du pays en réduisant le taux de chômage", reconnaît Faith O. Kajola. "Certaines sont devenues de véritables centres de formation que nous devons encourager", renchérit Igwe Aja-Nwachukwu, l’ancien ministre nigérian de l’Éducation. Le gouvernement fédéral a même assoupli sa position en les autorisant, depuis 2006, à reprendre uniquement les diffusions télévisées des prêches, car, estime Sunday Mba, président de l’Association des chrétiens du Nigeria, il y a maintenant de l’ordre et du sérieux dans ce que nous faisons !".
Par Daouda Aliyou
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