Par Natalie Nougayrède : Le Monde
Deux membres d’une branche spéciale des Gardiens de la révolution impliqués.
La Gambie a rompu ses relations diplomatiques avec Téhéran
Une affaire de trafic d’armes impliquant une branche spéciale des Gardiens
iraniens de la révolution, la force Al-Qods, sème depuis plusieurs semaines la
zizanie entre Téhéran et deux pays d’Afrique, le Nigeria et la Gambie, que
l’Iran cherchait à courtiser dans sa quête d’appuis extérieurs. La Gambie a
annoncé, mardi dernier, la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran,
priant tous ses représentants de quitter le pays dans les quarante-huit heures.
Le Nigeria a quant à lui adressé, le 12 novembre, une notification formelle au
Conseil de sécurité des Nations unies, faisant état d’une possible violation par
l’Iran des résolutions de l’ONU qui, depuis 2007, lui interdisent d’exporter des
armes.Tout commence le 26 octobre, lorsque les douaniers nigérians saisissent dans le port de Lagos une cargaison d’armes. Dans treize conteneurs, ils trouvent des lance-roquettes, des armes automatiques, des grenades, des obus de mortier, des munitions. Le tout en provenance d’Iran, où les conteneurs ont été chargés dans le port de Bandar-Abbas, puis affrétés vers l’Afrique par un navire du transporteur maritime français CMA-CGM. Cette société a rapidement précisé que les conteneurs étaient déclarés sous la mention «paquets de laine de verre et palettes de pierres», et chargés par un commerçant iranien dont le nom ne figurait sur aucune liste de sanctions de l’ONU.
Quelle destination?
A qui les armes étaient-elles destinées? Les services de sécurité du Nigeria
soupçonnent qu’elles devaient être acheminées vers l’un des groupes rebelles
agissant dans ce pays. Mais selon le ministre iranien des Affaires étrangères,
Manouchehr Mottaki, «la cargaison devait transiter par le Nigeria» vers «un Etat
de l’Afrique de l’Ouest». Le pays en question serait la Gambie, qui a invoqué ce
trafic d’armes pour rompre avec l’Iran.
L’épisode est d’autant plus embarrassant pour Téhéran que la saisie de la
cargaison a donné lieu à l’identification de deux Iraniens impliqués dans ce
trafic. Tous deux appartenant au corps des Gardiens de la révolution, l’armée
idéologique du régime. L’un, Azim Aghajani, a été inculpé de trafic illégal
d’armes par la justice nigériane. Il s’était réfugié à l’ambassade iranienne à
Abuja, avant d’être remis aux autorités locales.
L’autre, se présentant sous le nom de Sayed Akbar Tahmaesebi, a été identifié
comme le commandant du corps Afrique de la force Al-Qods, la branche des
Gardiens de la révolution qui agit à l’extérieur de l’Iran, indique-t-on de
source occidentale. Il portait un passeport diplomatique et s’était rendu au
Nigeria avec une lettre de recommandation du Ministère iranien des affaires
étrangères. Signe de l’importance de cet homme aux yeux du régime iranien,
Manouchehr Mottaki s’est rendu en urgence à Abuja pour s’entretenir avec son
homologue nigérian. Il est ensuite rentré à Téhéran accompagné de ce deuxième Iranien, indique-t-on de source occidentale.
Leviers de déstabilisation
La force Al-Qods s’intéresserait à l’Afrique pour de multiples raisons. Pour y
trouver des sources de devises au moyen de différents trafics, mais aussi pour
chercher à disposer de leviers de déstabilisation, notamment dans des Etats qui
comptent pour les flux mondiaux de pétrole, comme c’est le cas du Nigeria. Le 19 novembre, la police nigériane a par ailleurs découvert, dans une autre cargaison arrivée à Lagos, 130 kg d’héroïne en provenance d’Iran.
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