Au Nigéria, environ
150 000 barils de pétrole sont pillés quotidiennement sur une production
journalière estimée à deux millions de barils, pour nourrir le
trafic illicite vers le Bénin et le Togo. Les autorités de ces trois pays
prennent des mesures pour enrayer le phénomène, mais en vain. Le commerce de
l’essence dans l’informel semble résister à toutes les thérapies et continue,
avec force, et avec son lot de conséquences : incendies, pertes en vies
humaines, profits et bavures des forces de sécurité et de lutte, pertes pour
l’économie nationale, pollution de l’environnement, etc.
Des
produits pétroliers, notamment l’essence, dans des bouteilles de un, deux, cinq,
dix ou vingt litres, exposés sur des tables ou étagères en bois ou en métal,
aux abords de presque toutes les voies, dans les villes ou sur les routes
interurbaines au Bénin et au Togo. On reconnaît les postes de vente illicite de
l’essence dans l’informel, soit par la pose d’un bidon vide sur lequel est
marqué le prix de vente, soit par un entonnoir accroché ou une bouteille vide
sur un bout de brique. Pour servir les clients, le contenu des bouteilles est
versé dans le réservoir des motos ou des voitures avec des entonnoirs de
fortune, à l’air libre. Les stocks de «kpayo» ou de « boudè »
(Ndlr : appellation locale au Bénin et au Togo du carburant vendu illicitement),
destinés à la vente sont conservés dans
des bidons, stockés dans des épaves de véhicules, dans des hangars ou sous les
touffes d’herbes et les toilettes des maisons, les protégeant ainsi contre
toute intervention policière, mais ceci au vu et au su de tout le monde et
surtout de la police, de la gendarmerie et de la douane, de même que des autorités
en charge de la lutte contre le trafic illicite du carburant.
A la frontière bénino-togolaise de
Sanvee-Condji, en bordure de l’Océan Atlantique, dans le « no man’s
land » frontalier, se trouve un petit village de contrebandiers de
carburant. C’est là que la plupart des semi-grossistes et détaillants togolais de
ce trafic se ravitaillent en produits pétroliers provenant du Bénin ou du
Nigéria. A Hilla-Condji,
un autre village frontalier qui s’étend des deux côtés du Benin et du Togo, ce
qui frappe à première vue, ce sont les tables disposées avec des bouteilles
vides ou remplies de carburant aux bords de la route nationale N°2. Malgré
l’interdiction formelle des autorités togolaises, la vente du carburant frelaté
reste la principale activité commerciale des habitants de cette localité. Elle
est si florissante qu’elle nourrit plusieurs familles. Dans presque toutes les
concessions de la localité on trouve au moins une personne qui se livre à cette
contrebande. La plupart sont de jeunes chômeurs, mais aussi des élèves et des
femmes. Même si beaucoup reconnaissent que le secteur n’est plus rentable
aujourd’hui comme au début des années 1990, ils ne sont cependant pas prêts à
l’abandonner pour rien au monde. Un père de famille togolais raconte que sa vie
est dans ce commerce : « Avec cette activité j’assume l’éducation
de mes trois enfants, j’ai une maison en
location et bien d’autre biens encore ». Le trafic emballe plusieurs
jeunes et même des adultes qui s’y
adonnent, contre vents et marrées. Dans certaines villes du Togo comme Aného
située à 60km à l’est de Lomé, le commerce illicite de carburant est la
deuxième activité après le taxi moto. Le Directeur Général des hydrocarbures du
Togo, Mèba Léopold SIAH estime que « la
plupart des jeunes qui s’adonnent à ce commerce avancent l’argument de chômage ».
Les conditions idoines de vente de
ce produit connu pour son caractère extrêmement inflammable n’étant pas
réunies, il s’ensuit des cas fréquents d’incendie. En
janvier 2009, un accident entre des motos tricycles transportant de l’essence
frelatée, survenu en pleine circulation à Cotonou, a provoqué un incendie qui a
fait quatre morts, plusieurs blessés graves et des dégâts matériels importants.
Le 7 septembre 2009 à Missérété, localité située à 45km au nord-est de
Cotonou, un trafiquant transportant, en plein jour, huit bidons de 50 litres
remplis d’essence de contrebande a été percuté par un automobiliste. Dans sa
chute, il a entrainé deux conducteurs de taxi motos. L’explosion des bidons
d’essence a provoqué un incendie. Bilan : trois morts calcinés, devant des
populations environnantes impuissantes et scandalisées.
Origine
et évolution
Des drames de ce type sont fréquents au Bénin et au
Togo, pays d’Afrique de l’ouest, voisins du Nigeria, un gros producteur de
pétrole, à partir duquel s’organise le trafic frauduleux des hydrocarbures.
Zinsou Hounsou, la soixantaine, revendeur illicite de
carburant depuis les origines de ce commerce dans la localité d’Adjarra,
commune frontalière du Nigéria et située à environ 40 km à l’est de Cotonou,
explique que c’est la fin de la guerre de Biafra au Nigéria (un conflit civil
qui a eu lieu du 6 juillet 1967 au 15 janvier 1970) qui marqua le début de la
commercialisation illicite des produits pétroliers. En effet, fait remarquer
Pascal Kossou, historien, « le
gouvernement nigérian d’alors, dans le but de la satisfaction de certaines
revendications sociales et pour contribuer au renforcement de la paix d’après
guerre, a décidé de subventionner les produits pétroliers pour la consommation
locale ». Mais, poursuit-il,
« les frontières du Nigéria avec ses pays limitrophes étant pour la
plupart perméables, une certaine quantité de ce carburant à prix subventionné
se retrouve par la fraude dans les pays limitrophes tels que le Bénin où le
litre d’essence est vendu plus cher dans les stations service ». Ainsi
explique-t-il, « la ruée des
consommateurs vers cette source d’approvisionnement, malgré les risques
encourus, tant pour la santé, l’environnement que pour le moteur des motos et
voitures servies ».
En effet, aujourd’hui le litre
d’essence est officiellement vendu au Bénin à 675 FCFA (soit environ 1,35
dollar) dans les stations service, tandis que le marché informel le vend à 435
FCFA (soit environ 0,87 dollar) à Cotonou et environ. Plus on approche les
localités frontalières, plus le prix du litre diminue et tend vers 400 FCFA
(soit environ 0,79 dollar). Au Togo, l’essence est vendue à 595 F CFA (1,19 US$) le litre à la
pompe ; au marché noir, le prix varie entre 575 FCFA (1,15 US$) et 450 FCFA
(0,9 US $) au fur et à mesure que s’approche la frontière béninoise.
En fait, « c’est le prix relativement bas du
litre des produits pétroliers au Nigeria qui encourage leur trafic vers les pays limitrophes de la sous
région tels que le Bénin et le Togo », estime Omoba Olanrewaju de la
société « Samatex Petroleum », une firme de consultation en pétrole
basée à Lagos. « Prenez par exemple
le diesel qui est très consommé dans la sous région ; au moment où il
coûtait 1,21 US$ le litre au Bénin, il était vendu à 0,77 dollars au Nigeria. Même
le litre de l’essence qui se vend au Nigeria à 0,60 dollars le litre depuis
janvier 2012, est le moins cher dans la sous région. Ce développement a donc
favorisé le trafic transfrontalier de l’essence et d’autres produits pétroliers
entre le Nigeria et ses voisins »,
précise Olanrewaju. Sagir Musa, Commandant de la force conjointe (Armée/Police)
qui assure la sécurité dans la région pétrolière du delta du Niger, renchérit :
« plus de 900 raffineries illégales
ont été découvertes et détruites, et des dizaines d’embarcations transportant
du pétrole volé arrêtées en juillet dernier ». Austine Oniwon, ancien
Directeur général de la Compagnie nationale de pétrole (de mai 2010 à juin
2012) confirme que « tous ces
produits sont acheminés illégalement vers les pays voisins comme le Bénin par
voie maritime ou par la route à cause de la valeur supérieure de la monnaie de
ces pays par rapport au naira, la monnaie locale ».
Voler et vendre le carburant, pour survivre
Plusieurs organisations
non gouvernementales telles qu’Amnesty international, attribuent cette activité illégale à la pauvreté qui
sévit dans le delta du Niger, la région pétrolifère composée de sept Etats.
Plus de 70% des 35 millions d’habitants de cette région seraient pauvres selon
les données de l’année 2011 obtenues du bureau nigérian des statistiques et
confirmées par Amnesty International. Et pourtant, la région constitue la
principale zone de production du pétrole brut au Nigeria. Installées dans le
pays depuis les années 1950, certaines multinationales occidentales d’extraction
pétrolière, en complicité avec des hommes politiques nigérians, exploitent les
gisements pétrolifères sans aucun respect de leurs engagements en faveur des
populations obligées de vivre dans leurs localités polluées par les déchets
pétroliers déversés par les compagnies sur des sites sauvages, mais sans
infrastructures routières et sanitaires. Ainsi pour joindre les deux bouts et
survivre, les habitants de la région s’adonnent aux sabotages des pipelines
pour voler le pétrole. Il y a également l’installation des raffineries
clandestines un peu partout dans la région du delta du Niger. Il faut aussi
noter la recrudescence des pirates qui détournent les navires chargés de
pétrole pour vendre le contenu dans des pays voisins.
Récemment, la police de
Sango-Ota, une banlieue de l’Etat d’Ogun à 60 kilomètres de Lagos a effectué un
raid contre un réseau de trafiquants d’essence. La descente musclée, fruit des
informations données par les habitants de la région, a abouti à l’arrestation
de dix personnes et la découverte de
deux cents bidons de 50 litres pleins d’essence. Funmilayo Oke, la seule dame
parmi les suspects arrêtés, est vite passée aux aveux : « il y a des camions citernes qui viennent la
nuit nous livrer l’essence ; nous
mélangeons le carburant avec des produits chimiques utilisés pour la fabrication
des pommades de cheveux ; nous avons des clients qui viennent régulièrement
du Bénin pour les acheter à raison de 2.000 naira (12,5 dollars) par bidon de
50 litres ; nous avons l’habitude de nous rencontrer dans une forêt
d’Idiroko (un point d’entrée entre le Nigeria et le Bénin, Ndlr) »
L’approvisionnement
du marché informel béninois se fait par voie terrestre et par voie maritime. Gustave
Avocèvou, titulaire d’une maîtrise en lettres, ancien employé d’un importateur
grossiste béninois de carburant illicite est aujourd’hui établi à son propre
compte et est vendeur demi-grossiste dans la localité de Banigbé à l’est de
Porto Novo (environ 40 km à l’est de Cotonou) ; il décrit le circuit
d’approvisionnement en provenance du Nigeria. Selon Gustave qui détaille
l’approvisionnement par voie terrestre, il existe plusieurs sources d’approvisionnement
au Nigeria : il y a des exportateurs vers le Bénin qui achètent la marchandise par
camions citerne dans des stations-service nigérianes ; il y en a qui
s’approvisionnent frauduleusement auprès des raffineries officielles ; il
y en a qui s’approvisionnent auprès des raffineries clandestines situées un peu
partout sur le territoire nigérian (ces raffineries clandestines siphonnent le
pétrole brut au niveau des pipelines ou exploitent carrément des puits on shore,
puis raffinent le brut). Tous ces vendeurs exportateurs clandestins vers le
Bénin convoient le carburant au niveau de plusieurs entrepôts situés le long de
la frontière bénino-nigériane. C’est alors que les importateurs béninois
envoient des camions généralement sans immatriculation (il y a des
transporteurs clandestins spécialisés dans ce type de transport) prendre
livraison des produits, souvent en pleine nuit, ceci par des sentiers de
brousse bien connus des gendarmes et douaniers des zones frontalières qui
laissent faire, puisque « intéressés » par lesdits importateurs.
Une
fois le stock ramené sur le territoire béninois, il emprunte le circuit suivant
jusqu’au consommateur : trafiquants
importateurs – transporteurs
– grossistes - semi- grossistes – détaillants – consommateurs. Lorsqu’on prend l’exemple des différents entrepôts
clandestins situés à Igolo, village frontalier du Nigeria au sud Bénin, les
stocks venus de la localité de « BB » au Nigeria y sont déversés pour
l’essentiel. Là, l’itinéraire est le suivant : Igolo – Ifangni – Lagbè –
Takon – Missérété – Porto Novo. Un autre itinéraire est le suivant : Igolo
– Banigbé – Chaada – Avrankou – Porto Novo. De là, une partie du stock est
acheminée sur Cotonou et d’autres villes de l’intérieur du pays par voie de
terre ou fluviale, au vu et au su des brigades de lutte contre la fraude, de la
douane et de la gendarmerie. Un autre itinéraire qui dessert Cotonou passe par
la localité de Médédjonou, un centre de stockage dans le village de Louho (non
loin de Porto Novo et en vue sur la lagune) ; de là, de grandes barques motorisées
convoient la marchandise vers les débarcadères de Ladji (à Cotonou, proche de
l’église Sainte Cécile située au quartier Ahouansori) ou d’Abomey Calavi. Le
déstockage à ce dernier niveau sert la vente sur la route inter Etats
Cotonou-Bohicon.
Approvisionnement par terre
et mer
Un
autre circuit par voie de terre est celui des motos tricycles conduites par des
trafiquants handicapés moteur ou des taxis interurbains. Ils passent le poste
frontalier de Sèmè Kraké (localité frontalière et maritime du sud) et vont s’approvisionner
dans des stations-service du côté nigérian. Le réservoir spécialement agrandi
pour la cause rempli, ils reviennent livrer à leurs clients détaillants du côté
béninois. Ils effectuent plusieurs allers-retours journaliers. Christian Agossou,
revendeur à Sèmè Kraké, confie qu’il vit de cette activité depuis plus d’une
dizaine d’années. Ces sources livrent aussi à des semi grossistes qui quittent
la ville nigériane de Badagry, traversent la frontière, embarquent sur des
pirogues qui passent par le fleuve Ouémé (dont un bras passe dans la zone)
jusqu’à la lagune de Porto Novo avant la livraison à des détaillants.
Les usagers de la route inter Etats Cotonou-Malanville
(ville béninoise frontalière du Niger) sont aussi servis en carburant par le
marché informel. Le circuit d’importation et de distribution est pratiquement
le même le long de toute la frontière jusqu’au nord Bénin. Issaou Amadou, est
détaillant au bord de la grande voie à Toui, localité située à 300 km environ
au nord de Cotonou. « Presque nous
tous, les jeunes de ce village, vivons pratiquement de cette activité de
commerce d’essence car l’agriculture est trop dure et nous n’avons pas de
machines agricoles », confie-t-il. Kègnidé Allagbé rencontré à Savé,
commune frontalière du Nigeria, située à 350 km environ au nord de Cotonou dans
le centre Bénin, fait ce commerce depuis plus d’une quinzaine d’années. Il
avance, avec flegme, qu’il ravitaille gratis un des « éléments » des
forces de sécurité de la zone et ainsi, il n’est pas inquiété, depuis son
approvisionnement à la frontière, jusqu’à la vente au détail au bord de la voie
inter Etats, en passant par son entrepôt de vente. Le
trafic se fait aussi, à pied ou à vélo, par les paysans de la ligne frontalière
Bénin-Nigéria.
L’autre grande source d’approvisionnement est la
voie maritime. Là, ce sont des bateaux appartenant à des armateurs nigérians
qui détournent en mer de l’essence raffinée au Nigeria et destinée à
l’exportation et la vendent à des grossistes béninois ou togolais qui vont
s’approvisionner avec des grandes barques motorisées remplies de fûts de 200
litres. Au Bénin, la cargaison arrive à passer les frontières maritimes pour
être débarquée sur les berges de la lagune de Cotonou ou à des débarcadères
situés à Abomey Calavi, pour nourrir le circuit de l’informel. « Les trafiquants qui s’approvisionnent à
cette source maritime subissent parfois les assauts des gardes côtes nigérians
qui les rançonnent ou qui saisissent parfois les embarcations déjà remplies »,
explique un gros importateur par voie maritime résidant dans la localité
d’Akpakpa à Cotonou qui a requis l’anonymat.
Une affaire de gros
sous
Selon le rapport d’une enquête
faite sur le commerce illicite du carburant en décembre 2005 par « Action
Sociale » (une Organisation non gouvernementale béninoise), environ 80%
des consommateurs s’approvisionnent dans le marché informel. Selon le communiqué
du compte rendu du Conseil des Ministres du Bénin réuni en séance
extraordinaire sur le sujet de ce trafic le vendredi 2 novembre 2012, il y a
une « prédominance du marché
informel qui alimente plus de 90% du secteur pétrolier ». Claude Allagbé, Directeur Général de la
Promotion du Commerce intérieur (du ministère béninois du commerce) estime
que « l’essence vendue dans le secteur
informel représente au moins sept fois le niveau de vente dans les stations-service
régulièrement agréées». Prenant en compte le chiffre des ventes desdites
stations agréées (selon les statistiques du ministère béninois du commerce)
estimé à environ 2,5 millions de litres par mois, Claude Allagbé estime qu’ « il est introduit frauduleusement par mois
sur le territoire béninois plus de 17 millions de litres de carburant, soit
plus de 200 millions de litres par an ».
Si
le trafic illicite continue, c’est parce que ses acteurs prospèrent d’une part
et les autorités en charge de la lutte ont baissé les armes, par passivité, ou
par complicité d’autre part. En effet, selon le rapport ci-dessus cité d’une
enquête faite par l’Ong béninoise « Action Sociale » en décembre 2005
sur le commerce illicite du carburant, un semi grossiste vend en moyenne 1100
litres par jour, avec une marge bénéficiaire journalière de 25.800 FCFA, soit
environ 52 dollars par jour ; tandis qu’un détaillant vend environ 400
litres par jour, avec une marge bénéficiaire journalière de 2500 FCFA, soit
environ 5 dollars par jour. Par ailleurs, si l’on considère les estimations
officielles qui présentent le marché informel béninois comme occupant 80 à 90%
de la consommation, la quantité du carburant vendu frauduleusement sur le
territoire béninois varie alors entre 200 et 300 millions de litres par an. Si
l’on prend en compte le prix moyen de cession du litre au consommateur, le
chiffre d’affaires annuel de la vente illicite au Bénin avoisinerait alors les
150 milliards de FCFA, soit environ 300 millions de dollars US.
Au Togo, comme
au Bénin d’ailleurs, la baisse drastique de la vente de
carburant dans les stations d’essence légales en est une très remarquable. En
matière de manque à gagner, cette vente illégale occasionne aux pétroliers
agréés, plus de 60 milliards de FCFA (soit environ 120 millions de dollars US)
au cours de 2011, indique une source proche de Société togolaise d’entreposage
(STE). Cette contrebande du carburant a
fait également chuter les recettes douanières et crée du chômage lié à la
baisse de vente à la pompe. En effet, le poste de Douane installé au niveau de
la raffinerie de Lomé dont les recettes avoisinent 4 milliards de FCFA (soit 8
millions US$) par mois enregistre une baisse exponentielle. Au cours du mois
d’octobre 2012, la baisse fut estimée à près de 900 millions de FCFA (soit 1,8
millions US$).
On
constate qu’il s’agit là d’une affaire de gros sous et on peut comprendre alors
le peu d’empressement, la faiblesse apparente et la lenteur qui caractérisent
la lutte contre le phénomène depuis des années. Gustave Avocèvou explique à ce
propos que son ancien patron, un des gros importateurs, ravitaillait même des
véhicules de police, de douane et de gendarmerie qui venaient nuitamment dans
son entrepôt. Il fait même remarquer que les agents de douane perçoivent des
passe-droits pour laisser passer des marchandises. Les tentatives pour faire
confirmer cette affirmation par les gendarmes ou douaniers des postes frontaliers
Bénin-Nigéria sont restées vaines. Mais un agent des douanes de Igolo a confié,
sous anonymat, pourquoi et comment lui et ses collègues ne se gênent plus
contre cette fraude : « quand
nous arrêtons une marchandise introduite par fraude sur le territoire béninois,
nous avons un pourcentage sur la valeur de la fraude et des pénalités ;
mais puisque le carburant est un produit interdit d’importation par cette voie,
il est difficile d’appliquer les textes en vigueur et nous n’avons alors aucun
intérêt à traquer les contrebandiers ». Cela explique certainement le
fait que les quelques rares prises de stocks de carburant illégalement
introduits sur le territoire béninois, prises opérées par la Commission nationale d’assainissement des marchés
intérieurs des produits pétroliers (CONAMIP) ne sont pas vendues comme d’autres
marchandises arrêtées, mais plutôt affectées aux besoins de certaines unités de
police ou de gendarmerie. Claude Allagbé, Directeur Général de la Promotion du Commerce
intérieur semble confirmer cette thèse lorsqu’il reconnaît que « les textes de lois sur la répression de la
fraude en matière de produits pétroliers, déjà assez répressifs, nécessitent
quand même un toilettage pour les adapter aux besoins actuels de la lutte
contre la fraude ».
La douane « ne voit rien »
Cet agent des
douanes qui a requis l’anonymat conclut alors en faisant remarquer qu’il est
profitable pour ses collègues et lui de « négocier » avec les
contrebandiers mais seulement à leur propre profit et non au profit des caisses
de l’Etat. Bien entendu, il ajoute que « la recette des négociations avec les trafiquants monte
jusqu’en haut, au niveau des chefs ». Dans tous les cas, « les gros trafiquants importateurs et
grossistes sont connus ; ils sont seulement une dizaine mais ne sont pas
inquiétés car protégés par les politiques », regrette un agent de la
Sonacop (Société Nationale de Commercialisation de Produits Pétroliers du Bénin)
dont l’entreprise ploie sous les effets négatifs de ce trafic. En effet, un des
« patrons » de ce trafic fut élu député sur la liste d’un des plus
grands partis du pays (aujourd’hui dans l’opposition) et dont le fief est dans
la région sud est du Bénin lors des 3e et 4e
législatures. C’est d’ailleurs cette région qui est la zone tampon par laquelle
se mène en grande partie le trafic. Toujours dans cette région, la majorité
présidentielle actuelle a présenté sur une de ses listes lors des élections
législatives de 2011 un autre gros trafiquant. Ce dernier a manqué de justesse
(de quelques dizaines de suffrages seulement) de se faire élire député. J.N.,
un des cousins de Gustave Avocèvou qui est collaborateur d’un autre gros
trafiquant raconte que « certaines
des fois où le prix de vente au détail grimpe dans l’informel au Bénin, sans
qu’il y ait une augmentation du prix à la pompe au Nigeria, c’est parce qu’une
marge est collectée en quelques jours et reversée aux autorités qui protègent le
trafic ».
Les trafiquants sont donc couverts.
Ils sont aussi protégés par les populations qui leur expriment leur soutien
lors des joutes électorales. En effet, ces « délinquants » de la
fraude pétrolière sont aussi dans l’action sociale. Ils construisent des écoles
et centres de santé, contribuent à payer des frais d’écolage des enfants de
leur localité, participent à la réfection de pistes de desserte rurale,
octroient des microcrédits aux plus pauvres pour des activités génératrices de
revenus, etc. En somme, un investissement dans le social, pour se couvrir. Ceci
explique peut-être en partie l’échec des différentes luttes effectuées
jusque-là. En effet, la
lutte contre le commerce de l’essence frelatée s’est renforcée par la tentative
de la Conamip où les opérations de contrôle et de suppression de ce commerce
ont dégénéré en émeute le 18 août 2004 à Porto Novo. La maison du ministre du
commerce d’alors Fatiou Akplogan a failli être brûlée. La Conamip, au lieu de
poursuivre le contrôle, a commencé par faire des actions de
sensibilisation à travers des spots sur les chaînes de télévision et de radio
sur les différents dégâts liés à cette activité.
A
l’avènement du gouvernement de Boni Yayi en 2006, des mesures fiscales ont été
prises pour réduire le prix du carburant au plus bas possible ; mais le
problème demeure. Cependant le gouvernement n’a pas baissé les bras, il a pris
des mesures d’allégement fiscales sur les importations des matériels de
construction des petites stations service. Mais certains promoteurs ont
déjà fermé purement et simplement ; d’autres ont renoncé à tout projet
d’extension de leur réseau ; d’autres encore, bien qu’ayant reçu
l’agrément depuis des années, ont renoncé à s’installer, par peur de la mévente.
Les opérateurs agréés ne sentent plus disposés à prendre des risques tant que
les pouvoirs publics ne prendront pas des mesures hardies pour lutter
efficacement contre la vente illicite des produis pétroliers qui a reconquis
les trottoirs et les abords des rues depuis que l’Etat donne l’impression
d’avoir baissé les bras face à la forte pression des lobbies du Kpayo. En
effet, au Bénin, la plupart des « stations-trottoir » ou
« pompes-trottoir » ne fonctionnent plus depuis plus d’un an.
Réalisme et impuissance des autorités
En
février 2012, le Président Boni Yayi a tenu au palais de la Présidence de la
République une rencontre avec les associations de consommateurs. A cette
occasion, la question de la lutte contre le Kpayo a été soulevée à
nouveau ; mais en vain. La solution efficace n’y a toujours pas été
trouvée. On peut noter que le Chef de l’Etat béninois qui avait fait de cette
lutte un de ses chevaux de bataille a dû décélérer. En tant qu’homme politique,
il lui est certainement apparu compliqué d’arrêter une activité qui emploie
environ 50.000 personnes (selon des estimations des associations de
consommateurs) et qui nourrit environ cinq fois plus de bouches. Des
observations et entretiens faits sur place dans les régions où elle se mène, il
ressort que cette activité illicite recueille surtout les diplômés sans emploi,
les producteurs agricoles découragés, les artisans sans soutien, etc. Elle
participe ainsi à la réduction du taux de chômage (tant chez les adultes que
chez les jeunes), de la délinquance, de l’insécurité, etc. Un regard sur les
postes de vente, une bonne observation des acteurs permettent de constater que
les principaux acteurs de ce commerce utilisent surtout de la main-d’œuvre
constituée en majeure partie d’enfants et de jeunes déscolarisés. Ces derniers
s’installent également très tôt à leur propre compte. On comprend donc aisément
que cette activité permet aux sans activités d’éviter l'oisiveté et de pouvoir
faire face aux dépenses de première nécessité. Ce qui leur permet ainsi de ne
pas sombrer dans les pièges des vices. Le commerce de l’essence frelatée a
permis la naissance et le développement de certaines activités : les
artisans-fabricants de tricycles (un engin qui permet aux handicapés de pouvoir
faire le trafic illicite de l’essence frelatée), les transporteurs, etc.
Le
trafic du carburant qui résiste à toutes les thérapies
La loi togolaise N°66-22 du 23 décembre
1966 portant Code des Douanes en son article 23 dispose que « sont identifiées comme prohibées, toutes
marchandises dont l’importation ou l’exportation est… soumise, à des
restrictions, à des règles de qualité ou
de conditionnement ou à des formalités particulières ». Le carburant
frelaté fait partie de ces marchandises prohibées. Ainsi, se basant sur ce
texte réglementaire, les douaniers et les autres corps mettent en œuvre des
moyens pour lutter contre son commerce.
Le 25 Mars 2009, le ministre de la sécurité et de la protection civile d’alors,
le Colonel Atcha Mohamed TITIKPINA, en vue
de combattre ce fléau, a mis
en place le dispositif opérationnel baptisé « OPERATION ENTONNOIR » à l’issue d’une réunion qui a regroupé autour
de lui, son collègue du commerce, les autorités de la Police nationale, de la
gendarmerie nationale, de la Marine nationale, de l’Armée de terre, de la
Douane et des différents partenaires que sont les pétroliers et les cadres des
ministères du commerce, des finances et de
la sécurité. Dans le cadre de la lutte contre ce trafic illicite, les
différentes unités des Forces de sécurité ont reçu des missions spécifiques. La
Police nationale est chargée de la répression du trafic dans les zones
urbaines. Elle a mis en place une équipe fixe à la Société togolaise
d’entreposage (STE) en vue de la surveillance du chargement et du contrôle de
la destination des produits pétroliers. La Gendarmerie nationale en ce qui la
concerne, est chargée de réprimer le trafic dans les zones rurales, urbaines et
sur la façade maritime, en appui à la Marine nationale qui, elle, est chargée
de la répression dans l’espace maritime. L’Armée de terre lutte contre le
trafic sur les frontières terrestres. La dernière unité, la Douane, prend en
compte la répression du trafic sur les divers points d’entrée et dans le cadre des « check-point » en
tout lieu du territoire togolais. La coordination de cette opération est constituée d’un
officier de chacune des unités ci-dessus citées.
Faute de moyens matériels et
financiers, cette opération était entretemps mise en veilleuse. Mais en octobre
2010, les ministres Atcha Titikpina de la sécurité et Kokou Gozan du commerce
ont réactivé cette opération, non seulement à cause de l’ampleur que prenait ce
trafic mais aussi et surtout des dégâts matériels et humains
qu’occasionnaient des incendies liés au carburant stocké illicitement. En
effet, les services de sécurité ont enregistré depuis le lancement de
l’opération « ENTONNOIR » au moins 15 cas d’incendies ayant causé des
dizaines de morts et plus de 67 victimes grièvement blessées. En 2011, la
Brigade nationale d’intervention et de recherche (BNIR), une structure
douanière, a enregistré dans le cadre de la lutte contre le trafic illicite
703.305 litres de carburant (essence et gaz oil). A la date du 12 novembre
2012, le total des produits pétroliers saisi est de 330.264 litres. Mais ces
chiffres qui sont le fruit de la lutte menée conjointement par la douane, la
police, la gendarmerie, la marine et les Forces armées togolaises (FAT)
sont bien loin de la réalité. Selon le
Chef de la BNIR, Agoro MEDJESSIRIBI, « ces
quantités de carburant saisi sont infimes par rapport au flux de carburant
frelaté observé sur le marché. Ces quantités représentent entre le cinquième et
le dixième de ce qui circule en réalité ». Un chiffre global concernant les saisies de
l’année 2012 n’est pas connu mais une comparaison rapide entre ces deux
chiffres montre que le total de 2012 pourrait être inférieur à celui de 2011.
Ceci prouve que la lutte n’est toujours pas efficace et que les trafiquants
usent des stratégies qui ne sont pas toujours détectées par les forces
impliquées dans cette lutte. Il urge alors, selon de Directeur général des
hydrocarbures Mèba Léopold
SIAH, d’accentuer la lutte.
Le 30 Août 2012, le ministre de
l’Economie et des Finances du Togo, Adji Otèth AYASSOR a publié un communiqué
dans lequel il rappelait à la population l’interdiction formelle d’importer en
contrebande des produits pétroliers, de
stocker et de vendre lesdits
produits dans les lieux
d’habitation et autres endroits non agréés. Le même communiqué
faisait mention d’un numéro téléphonique « 22 23 00 00 » qui est mis
à la disposition du public pour dénoncer ceux qui se livrent à ce commerce illicite
et dangereux. Fin octobre 2012, le ministre de la sécurité et de la protection
civile, Yark Damehame s’est déplacé pour aller rencontrer son homologue ghanéen
et discuter des voies et moyens à mettre en œuvre pour éradiquer le fléau que
constitue le commerce illicite du carburant frelaté. Il y a quelques jours, le
Chef de l’Etat togolais, Faure Gnassingbé, a demandé aux autorités douanières
de lui fournir des statistiques sur les
saisies opérées et voir comment susciter un débat national sur ce commerce qui
emballe de plus en plus de personnes tout comme le phénomène de taxis-motos.
Par ailleurs, des saisies sont opérées tous les jours. Mais cela ne
semble pas freiner l’élan des acteurs de ce trafic. Le 19 Octobre 2011, une
opération de saisie de carburant frelaté a été menée à Agbodrafo (localité
située à 25 km à l’est de Lomé) par la
Police. Durant cette opération, un vendeur a été blessé par balles ; un
communiqué de la police a fait état de ce que les tirs étaient un moyen de
dissuasion lors de l’opération. Le 29 octobre 2012, une course poursuite entre
un motocycliste qui transportait deux bidons de carburant et les agents de la
douane a tourné au drame lorsqu’un agent (également à moto) a asséné un coup au
conducteur. Ce dernier dans sa chute a percuté un autre motocycliste. Le choc
étant dur, il est décédé sur-le-champ. La population d’Adidogomé, (banlieue
Ouest de Lomé) s’est soulevée pour protester contre cet acte du douanier. Des
pneus ont été brûlés et érigés des barricades sur la nationale N°3; des forces
de l’ordre alertées sont intervenues pour disperser les manifestants à coup de
gaz lacrymogènes. Malgré tout cela, le commerce continue, même dans la capitale
Lomé.
Dans tous les cas, les trafiquants, avec
tout le « réseau » qu’ils ont mis en place, continuent d’écouler
leurs produits sur le marché béninois, en toute impunité. Une certaine quantité
est même destinée au marché des pays limitrophes du Bénin, malgré les mesures
« officielles » prises. C’est ainsi que le Comité mis sur pied par le
gouvernement béninois dans le cadre de la gestion de l’impact de la crise
pétrolière de janvier 2012 au Nigéria a, dans la nuit du dimanche 22 au lundi
23 janvier 2012, opéré des saisies vers la plage de Jacquot à Cotonou et dans
la localité de Pahou à 20 km à l’ouest de Cotonou. 1521 bidons de 25 litres
d’essence frelatée, le tout estimé à environ 22 millions de FCFA : c’est
la moisson de l’opération. Deux camions qui convoyaient les bidons ont échoué à
la Compagnie de gendarmerie de Cotonou. Ces camions en provenance du Nigeria
devraient être convoyés vers les départements du Mono et du Couffo, plus
précisément à la frontière de Hillacondji, pour aller au Togo.
Les
défaillances et les limites de la lutte
A l’intérieur du pays, au Bénin
comme au Togo, il y a un manque de stations-service. On peut observer en effet,
sur une distance de 100 à 150 km en longeant la nationale N°1 qui quitte Lomé
vers l’intérieur du pays, l’absence de stations-service. Il en est de même au
Bénin. Les usagers d’engins qui se sentent dans le besoin sur ces tronçons sont
obligés de recourir aux détaillants qui exposent leurs produits aux abords de
la voie. Les localités comme Notsè, Kambolé, Niamtougou qui sont proches de la
frontière béninoise à l’Est ou encore
Noépé, Kpadapé qui le sont elles
de la frontière ghanéenne et où les stations service sont rares, même les
autorités locales n’ont pas le choix : elles sont ravitaillées par les
trafiquants. Un officier de Gendarmerie en poste à Notsè (ville située à
environ 80 km au Nord de Lomé) qui a requis l’anonymat déclare que la
répression des commerçants illicite de carburant serait difficile : «Comment pouvons-nous réprimer ceux qui nous
servent chaque jour du carburant ?
Nous savons que c’est un produit prohibé mais comme il n’y a pas de
stations service, nous n’avons pas d’autre choix ». Dans certaines localités togolaises, le
trafic est autorisé de façon tacite. C’est ainsi que des agents de police, de
Gendarmerie ou encore de Douane font le tour
la nuit pour « prendre leur part » du chiffre d’affaires de la
journée ou de la semaine chez les trafiquants. Au Nigeria, source du mal, dans le but de mettre un terme à ce trafic illicite,
Olusegun Obasanjo, l’ancien président (1999-2007), avait révisé sept fois à la
hausse le prix à la pompe de l’essence. Ainsi, le prix du litre est passé de 20
nairas (0,12 dollars) à 30 nairas (0,18 dollars) le 1er juin 2000, date
de la première augmentation sous le régime Obasanjo ; puis à 70 nairas
(0,43 dollars) le 27 mai 2007, à deux
jours de son départ du pouvoir. Mais en vain….
En effet, l’augmentation du prix de
l’essence à la pompe n’est pas la solution. Les produits trafiqués ne sont pas
achetés pour l’essentiel dans les stations service ; ils sont plutôt
volés. Donc, « augmenter mille fois
le prix ne va rien changer » martèle Kingsley Okafor, Economiste,
propriétaire d’un cabinet de comptabilité à Lagos. Cependant, un soldat qui a
servi dans la région du delta du Niger et qui a requis l’anonymat estime qu’il
sera très difficile de mettre un terme au vol de carburant dans la région
pétrolière puisque, selon lui, les soldats sont complices. Il explique que
« tous les soldats qui sont affectés
dans la région pétrolière sont aujourd’hui des millionnaires ; les navires
viennent la nuit pour faire le plein à raison de 15 ou 20 dollars par baril, le
reste est vendu sur place dans les stations-service à vil prix ou à des particuliers qui vont le
vendre ailleurs »
Face à la
hausse sans précédent des activités de détournement illégal de pétrole dans la
région côtière du Nigéria, le 3 novembre 2011,
la Chambre basse du Parlement a constitué deux comités pour enquêter sur ce
fléau dans la région pétrolifère du delta du Niger. Les deux comités ont la
mission d’identifier les voleurs, les propriétaires de navires transportant le
brut ainsi que les acheteurs de ces cargaisons sur le marché international. Ils
ont aussi été chargés d'établir le rôle joué par les forces de sécurité dans ce
trafic. Selon Daniel Reyenieju, le député qui a présenté la motion, des
personnalités influentes du pays ainsi
que l'Armée ont été accusées d'être impliquées dans ce trafic illicite. En
attendant les conclusions de cette
enquête, le gouvernement du Président Goodluck Jonathan essaie de prendre
certaines mesures pour réduire le fléau. Le gouvernement nigérian a reçu le 8 septembre 2012 la livraison de dix nouveaux
navires patrouilleurs pour combattre les pirates en mer. Il envisage également des patrouilles
aériennes pour protéger les frontières entre le Nigeria et ses voisins.
Conséquences
négatives
Au-delà des risques d’incendies, il
y a les risques de maladies auxquels sont exposés constamment les acteurs de la
commercialisation de l’essence illicite. Certains acteurs de ce commerce
interrogés reconnaissent qu’ils souffrent surtout des maladies respiratoires,
de l’hernie, des maux de ventre et d’yeux ainsi que d’autres maladies
ordinaires (paludisme, fatigue, vertige, etc.). L’utilisation exagérée du
carburant frelaté n’est pas sans conséquences sur l’environnement aussi. Pour
Kodjo Fabrice Ebeh, Directeur Exécutif de l’ONG ANCE (Alliance nationale des
consommateurs et de l’environnement) du Togo, des conséquences
environnementales et sanitaires désastreuses relatives à la commercialisation
anarchique du carburant sont à redouter au Togo, au Bénin et au Nigeria :
le dégagement des gaz à effets de serre, le réchauffement climatique, les pneumonies
graves voire le cancer sont à craindre.
Par ailleurs, le budget de l’Etat
béninois étant essentiellement fiscal puisque basé sur les prélèvements des
impôts, surtout sur les importations, il en résulte une grande perte pour le Trésor
public. De guerre lasse, le gouvernement béninois a reconnu le vendredi 2
novembre 2012 dans le communiqué du Conseil extraordinaire des Ministres que
« face depuis quelques années à une
concurrence déloyale implacable marquée par la prédominance du marché informel
qui alimente plus de 90% du secteur pétrolier, entamant sérieusement l’activité
des entreprises du secteur formel, beaucoup de multinationales agréées ont
quitté le Bénin tandis que la Sonacop survit…» et a décidé de « renforcer et de dynamiser le Comité
de Lutte contre le Commerce illicite de Produits Pétroliers ».
Enquête réalisée par
Brice HOUSSOU (Bénin),
Jean-Baptiste ATTISSO (Togo)
et Daouda ALIYOU (Nigeria)
Avec l’appui de l’association danoise des
journalistes d’enquête sur financement de IMS
(Septembre – Octobre 2012)