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Wednesday, March 9, 2011

Présidentielle 2011

Par Daouda ALIYOU

Cet article a été publié dans Notre Afrik (http://www.notreafrik.com ) No 9 de Mars 2011

Le Nord et le Sud à couteaux tirés

Près de 70 millions de Nigérians en âge de voter prendront d’assaut, le 9 avril 2011, les 120 000 bureaux de vote installés à travers le Nigeria pour élire le 15e président de la République depuis l’indépendance du «géant de l’Afrique de l’Ouest», le 1er octobre 1960. Sur la dizaine de candidats en lice ( 19 ), seuls quatre pèsent véritablement sur la scène politique, avec Goodluck Jonathan qui part avec les faveurs des pronostics…


La joie et l’euphorie qui ont suivi l’avènement de la démocratie au Nigeria en 1999, après 25 années de régimes militaires, ont fait place au désespoir.
Et pour cause! Douze ans après, les Nigérians n’ont pas encore récolté les fruits de cette démocratisation. Le taux de pauvreté est passé de 45% en 1999 à plus de 70% en 2010, et celui de chômage a également pris l’ascenseur. Avec 150 millions d’habitants, le géant du continent ne produit que 3 000 mégawatts d’électricité par jour, forçant plusieurs compagnies à mettre la clé sous
le paillasson. En somme, l’économie est au point mort. La corruption a atteint tous les secteurs de la vie socio-économique du sixième producteur
mondial de l’or noir. Entre 1999 et 2010, près de 10 000 personnes ont été
tuées dans des violences interreligieuseset communautaires. Autant de défis à relever par le prochain président de la République Fédérale du Nigeria, qui sera élu le 9 avril 2011.

Le quartet infernal

Les projecteurs sont d’ores et déjà braqués sur quatre candidats: Goodluck Jonathan du Parti démocratique du peuple (PDP au pouvoir), l’ancien chef d’Etat militaire Muhammadu Buhari du Parti pour un changement démocratique (CPC), l’ancien président de l’Agence de répression des crimes économiques et financiers, Nuhu Ribadu, et l’actuel gouverneur de l’Etat de Kano (Nord du
Nigeria), Ibrahim Shekarau. Le candidat du parti au pouvoir, le président
sortant Goodluck Ebele Jonathan, chrétien du Sud, sera donc face à trois musulmans du Nord. Si l’on tient compte de la polémique suscitée par une règle non écrite qui prévaut au sein du parti au pouvoir, selon laquelle le Nord, à majorité musulmane, et le Sud, à dominante chrétienne, doivent se succéder
à la présidence tous les deux mandats, le prochain président devrait émerger du nord musulman. Le mandat présidentiel dure quatre ans, mais on se rappelle qu’Umaru Yar’Adua, élu en 2007, est mort le 5 mai 2010 et n’a donc pas achevé son premier mandat de quatre ans à la tête du pays. Aussi l’élite du Nord est-elle en train de remuer ciel et terre pour que s’applique la fameuse règle
des «deux mandats successifs». Les Haoussas, majoritairement musulmans
(environ 80 millions de la population),mvoient donc d’un mauvais oeil le fait qu’un
candidat issu de la minorité, Goodluck Jonathan, de l’ethnie ijaw (14 millions d’habitants) de la région pétrolière du delta du Niger –qui termine, en vertu de la Constitution,le premier mandat de Yar’Adua- gouverne
la majorité. Dans le même temps, les
observateurs avertis de la politique nigériane se demandent si le candidat du parti au pouvoir dispose des atouts nécessaires pour mettre sous l’éteignoir le trio haoussa (Buhari, Ribadu, Shekarau) en qui une partie du Nord place sa confiance.

Le Nord à la croisée des chemins

Les élections primaires du parti au pouvoir, tenues le 13 janvier dernier et remportées haut la main par Goodluck Jonathan –qui a écrasé son challenger, l’ancien vice-président Atiku Abubakar avec 2736 voix contre 805- donnent cependant une bonne indication quant à l’issue de la prochaine élection
présidentielle nigériane. En effet, le président sortant a confondu les bookmakers, non pas parce qu’il a remporté ces primaires, mais pour avoir marqué des points importants dans les Etats-clé du Nord, y compris dans le fief de son challenger, Adamawa, d’où est originaire Atiku Abubakar.
Sur les 19 Etats que compte le Nord du Nigeria, Atiku Abubakar, candidat de consensus d’une partie de l’élite du Nord, n’a eu la confiance que de cinq Etats, perdant les 14 autres au profit du président sortant, qui a également obtenu un cent pour cent dans le Sud, sa région, ainsi qu’une victoire
écrasante dans les autres parties du pays, comme le Sud-ouest et le Centre.
En somme, cet originaire de la région pétrolière du delta du Niger a été plébiscité par les membres du PDP. Goodluck Jonathan a ainsi réussi à séduire les Nigérians, déterminés à tourner la page en barrant la route aux anciens soldats qui se «recyclent» pour revenir au pouvoir. Il serait donc difficile à Muhammadu Buhari de constituer un obstacle au président sortant, même si son parti –le Parti pour un changement démocratique- est en train de gagner en popularité dans le Nord du pays. De même, Nuhu Ribadu du principal parti de l’opposition, Action
Congress of Nigeria et Ibrahim Shekarau du Parti de tout le peuple nigérian, qui sont à leur baptême de feu, sont également loin d’inquiéter le président sortant.

La déroute probable du parti au pouvoir

Cependant, si les pourparlers entre Action Congress of Nigeria (ACN) et Congress for Progressive Change (CPC) de Muhammadu Buhari aboutissent à la fusion souhaitée, cela pourrait ébranler le parti au pouvoir, qui traverse une crise interne. Sans doute, une bonne occasion pour l’opposition. Si les jeux semblent être faits au niveau de la présidentielle, ce n’est pas le cas avec les
législatives (le 2 avril) et l’élection des 36 gouverneurs de la Fédération (le 16 avril). Il est à rappeler que les élections générales d’avril permettront également de renouveler le parlement, soit les 360 membres de la chambre basse et 109 sénateurs, sans oublier les 36 gouverneurs de la Fédération. Mais, suite aux querelles internes et à la crise de leadership qui minent le parti au pouvoir, on a enregistré le départ massif de plusieurs membres influents vers d’autres partis de l’opposition. A cela s’ajoute la fraude sans précédent perpétrée par ce parti
lors des élections de 2007 dominées par le PDP. Conséquence, l’annulation de l’élection de plusieurs élus du parti au pouvoir, et même des gouverneurs ont éjectés de leurs fauteuils entre 2008 et 2010. Ces facteurs joueront sans doute contre le PDP, qui n’a pas a priori les coudées franches pour réaliser les 80% obtenus en 2007. Contrairement aux élections précédentes dominées par le parti au pouvoir, celles de 2011 permettront sans doute d’enregistrerune présence accrue de l’opposition au parlement et de plusieurs gouverneurs de
l’opposition

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