Par Daouda Aliyou
Arrivé tardivement au Nigeria, le téléphone portable a boosté le secteur des télécommunications au point que celui-ci devance aujourd'hui largement celui du pétrole. Un million d’emplois ont ainsi été créés et 43 % des Nigérians ont désormais accès au téléphone ce qui leur facilite la vie.
Le Nigeria a rattrapé, de manière étonnante, son retard en matière de téléphone. En quelques années, il est devenu le plus grand marché du continent, dépassant même l'Afrique du Sud. Introduit seulement en 2001, grâce à la libéralisation des télécommunications par l’ex-président Olusegun Obasandjo, le téléphone mobile a opéré une percée fulgurante dans ce pays. Le bilan est des plus réjouissants : "En moins de six ans, les télécommunications ont attiré 15 milliards de dollars d'investissements directs étrangers. Sa contribution au PIB (Produit intérieur brut) est proche de 34 %", selon l’économiste nigérian Kunle Adebayo. Le secteur devance ainsi largement celui du pétrole qui, lui, ne représente que 13 % du PIB de ce géant africain.
Cette activité est si florissante que les opérateurs de téléphonie mobile récompensent souvent leurs abonnés en leur offrant des crédits ou en organisant des loteries. Cette année, par exemple, Mobile Télécommunications Network (MTN) a offert des recharges de crédits de 200 nairas (1,80 $) à chacun de ses 17,8 millions d’abonnés. "C’est une manière d’être reconnaissant envers nos abonnés qui nous ont permis de réaliser un profit de 950 millions de dollars en 2007", révèle la direction de MTN Nigeria.
Un objet de désir
Alors qu'avant 2001, le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec ses 150 millions d'habitants, n'avait que 867 000 lignes téléphoniques, il en comptait près de 61 millions en mars 2008, soit 43 lignes pour 100 habitants. La quasi-totalité (93 %) sont des lignes GSM c'est-à-dire de mobile. L'essor du secteur des télécommunications est clairement lié à l'arrivée du téléphone portable qui devance très largement le fixe. Un succès qui, selon le sociologue Babalola Akeem, s'explique d'abord par la taille du marché nigérian.
Pourtant, le Nigeria s’est mis au mobile plus tard que la plupart des pays d’Afrique. Akinwunmi Oladele, professeur en sciences politiques, attribue ce retard au refus des régimes militaires de libéraliser le secteur des télécommunications pour mieux contrôler la liberté d'expression. En 1998, sous le règne de feu le président dictateur Sani Abacha, les autorités avaient refusé d’accorder des licences aux opérateurs privés. Frustrés pendant des années, les Nigérians, avides de communiquer, se sont rués sur les portables en 2001. En six mois d’activité, l’opérateur MTN comptait déjà plus d’un million d’abonnés. Les tarifs fort chers au début – 30 000 nairas (260 $) pour l'attribution d'un numéro et d'une puce et 50 nairas (0,43 $) par minute d'appel – n'ont pas émoussé l'appétit des Nigérians pour ce nouvel objet. L'arrivée de Globacom en 2003, avec des offres plus attrayantes, a conduit les autres opérateurs à baisser leurs prix. Aujourd’hui, la puce ne coûte plus que 400 nairas (3,47 $) et le nombre d’abonnés continue d'augmenter à mesure que les prix baissent.
Retombées positives
La téléphonie mobile a boosté le secteur des télécommunications qui emploie plus d’un million de personnes, selon une brochure de la Commission nationale des télécommunications (NCC) de juillet 2008. A ces emplois directs s'ajoutent, par ricochet, toutes les nouvelles activités que permet le portable. Des chômeurs ont, grâce à lui, trouvé une porte de sortie. "Un an après mon diplôme, confie Adewale Abraham, diplômé en gestion et finances, je n’avais toujours pas de travail. J’ai dû emprunter de l’argent à mes parents pour ouvrir un call center (cabine téléphonique, Ndlr). Aujourd’hui, je gagne bien ma vie." Le GSM facilite la vie de tous, à commencer par les commerçants, en réduisant les déplacements et les frais de transport : "Je gagne du temps et ne passe plus des heures dans les embouteillages de Lagos", apprécie Affis Moruf, un homme d’affaires. Emeka Okafor, enseignant dans une école privée de la capitale économique, se réjouit, lui, de pouvoir prendre souvent des nouvelles de sa famille restée au village sans risquer un accident en cours de route, et de faire aussi des économies.
Le secteur des télécommunications est encore appelé à se développer au Nigeria, selon les experts : 10 millions de nouvelles lignes sont prévues au cours des cinq prochaines années. "À cette allure, pronostique Eugene Juwah, président de la NCC, presque toute la population sera abonnée d’ici 2020."
N.B. Les données et chiffres dans ce papier datent de 2008,date à laquelle j’ai fait l’enquête sur ce secteur.
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