Les habitants de la région pétrolière du delta du Niger ont longtemps eu le sentiment d'être oubliés par le pouvoir central nigérian. La radicalisation de certains groupes armés locaux et la baisse de production de l'or noir ont contraint l’État, des privés et des Ong à lutter davantage contre la pauvreté. Premiers résultats.
Yenagoa offre le visage radieux d'une cité belle et moderne. Cette ville de 150 000 habitants est la capitale de Bayelsa, l’un des sept États du delta du Niger, au sud de la fédération nigériane. Sur 80 km environ, la route qui la relie à la cité pétrolière de Port- Harcourt a été élargie et bitumée en 2007. De Port-Harcourt, il est à présent plus facile de rallier par autobus les autres villes du delta où, dans certains quartiers, les anciennes planches de bois posées sur des rivières ont cédé la place à des voies bien tracées et bitumées.
Jusqu’en 2007, le delta du Niger, région riche en pétrole, offrait un tout autre spectacle. "Nous avons souffert pendant des décennies, se rappelle Ichie Friday Okeke, un habitant septuagénaire. Nous nous déplacions à l’aide de pirogues. Ceux qui avaient des vélos les portaient sur leurs épaules pour les déposer dans les barques. Dieu merci, aujourd’hui nous avons des routes !"
Révolte des autochtones
Les infrastructures ne sont pas les seules à changer peu à peu le visage de la région. L’État, des privés et des associations multiplient ces derniers temps les initiatives pour améliorer les conditions de vie des 35 millions d’habitants du delta du Niger. Selon le bureau du gouverneur de Bayelsa, en 2008, 60 % d'entre eux étaient considérés comme pauvres. Paradoxalement, la région est riche en pétrole : c'est la principale zone de production du Nigeria, Sixième producteur d’or noir au monde, deuxième économie du continent avec un PIB de 200 milliards de dollars. Le pétrole contribue pour 80 % aux recettes d’exportation de la fédération.Installées dans le pays depuis les années 1950, les multinationales occidentales (Shell, Chevron, etc.), sont accusées, avec la complicité de politiciens corrompus, d'y avoir exploité des gisements sans aucun respect de leurs engagements en faveur des populations : aucune infrastructure dans des localités polluées par les déchets déversés par les compagnies y compris sur des sites sauvages. En août 2004, le sénat nigérian avait demandé à Shell de payer 1,5 milliard de dollars aux communautés comme compensation pour avoir pollué la région. En vain…
Une injustice insupportable pour certains. Nées dans les années 80, les révoltes des autochtones se sont par la suite radicalisées avec la création de plusieurs groupes armés, dont le MEND (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger), qui ont commencé à mener, depuis 2006, des actes de sabotage contre les compagnies : destruction d'installations, enlèvements d'expatriés, etc. Harcelées, des sociétés comme l’américaine Wilbros ont quitté la région, d’autres y ont réduit leur présence. Du coup, la production nationale de pétrole brut était passée de 2,3 à 1,6 millions de barils entre 2006 et 2008, soit une chute de plus de 30 %.
Calmer les tensions
Révolte des autochtones
Une injustice insupportable pour certains. Nées dans les années 80, les révoltes des autochtones se sont par la suite radicalisées avec la création de plusieurs groupes armés, dont le MEND (Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger), qui ont commencé à mener, depuis 2006, des actes de sabotage contre les compagnies : destruction d'installations, enlèvements d'expatriés, etc. Harcelées, des sociétés comme l’américaine Wilbros ont quitté la région, d’autres y ont réduit leur présence. Du coup, la production nationale de pétrole brut était passée de 2,3 à 1,6 millions de barils entre 2006 et 2008, soit une chute de plus de 30 %.
Calmer les tensions
Pour tenter de calmer les tensions et éviter l’effondrement de l’économie nationale, Olusegun Obasanjo, l’ancien président (1999-2007), avait créé en juin 2000 la Commission nationale pour le développement du delta du Niger (CNDDN). La même année, a été construite dans l’Etat de Bayelsa, l’université régionale, un édifice somptueux qui fait aujourd’hui la fierté des habitants. "Entre 2000 et 2008, de nombreuses routes et écoles ont été construites de même que des dispensaires", selon Timi Alaibe,conseiller du prédient Goodluck Jonathan sur les affaires du delta du niger. Depuis 2001, environ 250 fontaines auraient déjà été installées dans l’ensemble du Delta.
Un programme pour les jeunes a par ailleurs abouti à la création de clubs locaux de football, Bayelsa United et Ocean boys. L’Ong Peace Mission Office (Centre de la mission pour la paix), créée en juillet 2007 par l’épouse du gouverneur de Bayelsa, Alayingi Sylva, estime de son côté avoir installé 100 clubs de lutte contre le VIH/sida dans des écoles, traité 1 000 enfants myopes et soigné gratuitement 5 000 femmes, également sensibilisées à la paix. En mai 2005, le couple Itonyo, des opérateurs économiques, a pour sa part lancé le Quantum Project Limited, une initiative qui, appuyée par divers partenaires (banques, compagnies pétrolières…), a formé selon ses responsables 8 000 personnes à l’aviculture et à l’agroalimentaire. Plus de la moitié de celles-ci seraient à présent à leur propre compte.
À Rivers, un autre État du delta du Niger, ces initiatives ont permis de réduire de façon spectaculaire le taux de chômage. Selon J. O. Akara, directeur de cabinet du ministère du Commerce, celui-ci est ainsi passé de 80 % avant 2000 à 30 % en 2007. Du coup, "moins de jeunes s’adonnent à la criminalité alors que, jusqu’en 2007, ils nous défiaient avec des armes sophistiquées", témoigne le lieutenant-colonel Musa Sagir, de la force conjointe (police/armée) fédérale de maintien de la paix dans le delta.
Le nombre de bénéficiaires des projets reste cependant limité. Quant aux agressions contre les installations des sociétés pétrolières et aux enlèvements, ils n'ont que légèrement diminué depuis 2006. Il faudra sans doute encore du temps pour que le développement éteigne durablement le mécontentement et la violence.
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